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Russie: un "jeu d'égo" aux "conséquences terrifiantes pour les populations civiles"

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Après la mutinerie avortée lancée par Evguéni Prigojine, le leader de Wagner, vendredi soir dernier, la spécialiste de la Russie Marie Mendras est revenue sur les "divisions inouïes" révélées par la tentative de coup d'état.

"Poutine est extrêmement déstabilisé par tout ce qu'il s'est passé". Au lendemain de la volte-face d'Evguéni Prigojine, le leader de la milice Wagner, qui avait entamé avec ses hommes un périple vers Moscou pour, à minima, renverser le ministre de la Défense russe, la politologue au CNRS Marie Mendras était l'invitée de la Matinale Week-End sur RMC pour faire le point sur cette rébellion avortée.

"Il faut rappeler que cela fait presque dix mois qu'Evguéni Prigojine est en train de jouer sa petite danse entre les chefs de l'armée, le ministre de la Défense Choïgou, et son vieux comparse Poutine", relate Marie Mendras, afin de contextualiser les événements du weekend. Malgré cette agitation de Prigojine depuis près d'un an, la spécialiste de la Russie s'étonne de l'inaction de Moscou en amont de la rébellion.

"Ce qui est totalement incroyable, c'est comment au Kremlin personne n'a pu expliquer à Vladimir Poutine que Prigojine devenait un électron libre extrêmement dangereux", se questionne Marie Mendras spécialiste de la Russie et politologue au CNRS.

Une inaction qui peut s'expliquer par le fait que "Poutine et Prigojine ont un mental dérangé, et n'ont pas la rationnalité que nous avons, ils prennent des risques absolument démesurés". Pour ce qui est du président russe, Marie Mendras est catégorique : "il a perdu toute autorité".

Des conséquences "très importantes sur le Kremlin"

Lors de son interview au micro de Matthieu Rouault et Marguerite Dumont, Marie Mendras est revenue sur l'histoire de ce proche de Vladimir Poutine, "un malfrat devenu criminel de grand chemin".

La spécialiste de la Russie a notamment rappelé que "Prigojine a créé cette milice Wagner en 2014 pour donner un coup de main à Poutine dans le Donbass et en Crimée car à l'époque, Vladimir Poutine ne voulait pas dire qu'il avait des militaires russes sur le terrain en Ukraine".

Mais désormais, après les événements pour le moins inattendus du weekend, la question est aussi de savoir ce qu'il va advenir du groupe paramilitaire Wagner, alors que son leader Evguéni Prigojine est parti pour le Bélarus.

"Pour Wagner, on ne sait pas où ils vont être garés. (...) Je pense qu'ils vont plutôt retourner sur des terrains de combat en Afrique, s'ils le souhaitent, mais je crois que l'épisode Wagner touche à sa fin", estime Marie Mendras.

Au-delà de l'avenir de la milice russe, il y a toutefois bien plus important aux yeux de Marie Mendras. Selon elle, il est nécessaire de souligner avec insistance "les conséquences très importantes sur le Kremlin, et son incapacité croissante de mener la guerre contre les Ukrainiens et de gouverner leur propre pays".

"Ce que l’on a vu, c’était des divisons inouïes entre un ministre de la défense, un chef d’état-major, un chef de milice… Une sorte de jeu d’hommes forts alors que cette guerre a coûté déjà des centaines de milliers de morts et de blessés, plus de 20.000 dans les rangs de Wagner", rappelle la politologue Marie Mendras.

La politologue du CNRS a d'ailleurs qualifié la mutinerie avortée de "jeu d'égo" qui a des "conséquences terrifiantes pour les populations civiles".

Un carburant pour la riposte ukrainienne?

Enfin, comment ne pas tenter de mettre en perspective cette rébellion de Wagner avec l'avancée de la contre-offesnive ukrainienne, alors que Kiev a annoncé dans le même temps des gains territoriaux dans l'est du pays.

Pour Marie Mendras, aux yeux des Ukrainiens, "la crise profonde qui perturbe tout le système dirigeant, politique et militaire, depuis des mois, joue en leur faveur qui, eux, sont très unis, ont un bon commandement militaire, un excellent président..."

"Il est essentiel, pour les Ukrainiens et pour nous, les alliés, d'utiliser cette fenêtre d'opportunité pour pousser l'avantage. Je pense à la réunion de l'OTAN à Vilnius le 12 juillet, qui sera le moment favorable pour annoncer une proposition à l'Ukraine de rejoindre l'organisation", a enfin déclaré la politologue et spécialiste de la Russie.

Alexis Lalemant