Boualem Sansal condamné à cinq ans de prison ferme en Algérie

L'écrivain Boualem Sansal, à l'Académie française à Paris le 29 octobre 2015. - FRANCOIS GUILLOT / AFP
Un tribunal en Algérie a condamné jeudi à cinq ans de prison ferme l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, en détention depuis novembre, soit la moitié de la peine requise par le Parquet, selon un correspondant de l'AFP présent dans la salle.
Boualem Sansal, dont le cas est au coeur d'une crise avec la France d'une gravité inédite, était accusé notamment d'atteinte à l'intégrité du territoire algérien, pour avoir repris à son compte, dans un média français d'extrême droite, la position du Maroc selon laquelle son territoire aurait été amputé au profit de l'Algérie sous la colonisation française.
L'écrivain, reconnaissable jusqu'alors à son catogan, est apparu à la barre, les cheveux rasés (comme tous les détenus en Algérie), en veste verte, sans menottes, semblant plutôt en forme alors qu'il souffre d'un cancer, selon la même source.
De fortes tensions entre la France et l'Algérie
Son arrestation, le 16 novembre à Alger, avait aggravé de fortes tensions bilatérales, provoquées l'été dernier par un revirement français en faveur de la position marocaine concernant l'épineux dossier du Sahara occidental. Avant son incarcération, M. Sansal, un ancien haut fonctionnaire algérien, voix critique du pouvoir, faisait des allers-retours fréquents en Algérie, où ses livres sont vendus librement.
Peu connu en France avant cette affaire, l'écrivain y bénéficie d'un vaste élan de soutien. Après sa condamnation, son avocat français François Zimeray a appelé le président algérien Abdelmadjid Tebboune à faire preuve "d'humanité" en le graciant, estimant que "son âge et son état de santé rendent chaque jour d'incarcération plus inhumain". Le ministère des Affaires étrangères français a exhorté de son côté les autorités algériennes à une issue "rapide, humanitaire et digne".
Il y a une semaine, le président français Emmanuel Macron avait réitéré une demande de libération de l'écrivain, disant avoir confiance dans "la clairvoyance" de son homologue qui sait "que tout ça (les accusations) n'est pas sérieux".
Lors de son procès où il a voulu se défendre seul, Boualem Sansal a nié toute intention de porter atteinte à son pays, expliquant avoir exercé sa "liberté d'expression", tout en reconnaissant avoir sous-estimé la portée de ses déclarations, selon un média algérien assistant à l'audience.
Samedi dernier, Abdelmadjid Tebboune avait lancé des signaux d'apaisement en direction de Paris, estimant que le contentieux était "entre de bonnes mains", avec comme "unique point de repère" Emmanuel Macron ou toute personne déléguée sur l'affaire, tel que son chef de la diplomatie Jean-Noël Barrot. Selon le site d'information TSA, citant "deux sources", une visite de ce dernier à Alger est "en préparation" en vue d'un "apaisement" de la crise.
Bruno Retailleau dans le viseur de l'Algérie
Sur le Sahara occidental, déclencheur de la brouille bilatérale, M. Tebboune avait tenu des propos mesurés dénonçant pour l'essentiel des visites de responsables français dans ce territoire au statut non défini à l'ONU, évoquant un "moment d'incompréhension" avec Paris.
L'Algérie a retiré son ambassadeur à Paris depuis fin juillet quand Paris a apporté son soutien à un plan d'autonomie sous souveraineté marocaine pour ce territoire contrôlé de facto à 80% par Rabat mais revendiqué depuis un demi-siècle par les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.
Abdelmadjid Tebboune souhaite une "issue rapide et honorable" à la crise avec Paris, selon l'expert Hasni Abidi, citant l'hypothèse d'une grâce présidentielle. Selon lui, une fois le cas Sansal réglé, Emmanuel Macron pourra reprendre la main sur un dossier "monopolisé par son ministre de l'Intérieur" Bruno Retailleau.
Alger a accusé d'"algérophobie" la droite et l'extrême droite françaises, qui ont multiplié les appels à sévir voire rompre avec l'Algérie. Le ministre de l'Intérieur, en campagne pour devenir président des Républicains (droite) est à la pointe de cette bataille.