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Cagnotte de soutien à la famille du policier qui a tiré sur Nahel: que va devenir l'argent?

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La cagnotte de soutien à la famille du policier accusé du meurtre de Nahel dépasse maintenant 1.345.000 euros. Malgré les protestations, la plateforme qui l'héberge n’a pas l’intention de la clôturer.

La cagnotte de la discorde. Le polémiste Jean Messiha, ancien du Front national, ancien porte-parole d'Eric Zemmour, chroniqueur régulier sur Cnews, est à l'origine d'une cagnotte de soutien à la famille du policier auteur du coup de feu sur le jeune Nahel lors d'un contrôle de police mardi dernier. Il a voulu venir au secours de ce policier qui aurait "des états de service exemplaires", et qui serait en prison pour n’avoir fait que son métier.

Jean Messiha a d’abord ouvert une cagnotte sur la plateforme française Leetchi, mais elle a très vite été bloquée. Leetchi, officiellement, réclamait plus de documents et de garanties. En réalité, le site craignait surtout la polémique.

Jean Messiha a alors choisi d’ouvrir une autre cagnotte sur le site américain GoFundMe. Et le succès a été immédiat. L’objectif initial de 50.000 euros a été dépassé en quelques heures. On compte désormais près de 50.000 donateurs avec des dons de 29 euros en moyenne, mais de plus gros qui peuvent atteindre 3.000 euros.

Est-ce que c’est légal?

La loi française interdit de procéder à une collecte pour payer une amende ou une condamnation financière. Mais en l'occurrence, le policier de Nanterre n'a pas été condamné et rien n’indique donc que cet argent soit destiné à régler une amende.

La loi permettrait également de bloquer la cagnotte si elle était jugée comme troublant l’ordre public. Pour cela, il faudrait qu’une association ou une organisation porte plainte, estimant que cette cagnotte en soutien à la famille d’un homme mise en examen pour homicide volontaire peut être considéré comme un encouragement à un acte criminel. C’est alors un juge qui devrait trancher. A ce stade, plusieurs avocats envisagent cette action en justice mais à notre connaissance, aucune plainte n’a encore été déposée.

La plate-forme qui accueille la cagnotte pourrait-elle la bloquer?

Elle le pourrait au nom de ses conditions générales d’utilisation. Les conditions de GoFundMe énoncent que tout contenu qui promeut une incitation à la haine ou à la violence sera interdit. Et cela sera décidé, dit la plateforme, "à notre entière discrétion".

En l'occurrence, les Américains ont jugé que la collecte en faveur du policier emprisonné est conforme à leurs conditions générales d’utilisation. Principalement parce que Jean Messiha a pris soin de préciser que l’argent était destiné à soutenir la famille du policier, pas le policier lui-même. C’est pour cette raison que GoFundMe n’envisage pas de la fermer.

En 2019, la justice s'était pourtant opposée à une cagnotte en faveur d’un gilet jaune auteur de violences. C’est l’affaire du boxeur Christophe Dettinger, connu sous le nom du Gitan de Massy, qui avait frappé des gendarmes sur une passerelle parisienne. Une cagnotte pour le soutenir avait très vite rassemblé 145.000 euros. Mais au bout de 48 heures, face à la polémique, Leetchi avait décidé de la bloquer.

Christophe Dettinger avait fait un recours et même demandé 3 millions à Leetchi, mais la justice avait donné raison à la plateforme française, estimant que cette cagnotte était un trouble à l’ordre public. Et Leetchi avait remboursé les 8.000 donateurs. Certains de ces donateurs avaient ensuite été convoqués par la police, et pas pour être félicités.

Elisabeth Borne estime que cela "ne contribue pas à l'apaisement"

Les réactions politiques avaient été très virulentes dans cette affaire. C’est la différence entre les deux canottes. En 2019, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner avait protesté avec véhémence contre l’idée d’une cagnotte pour soutenir un délinquant. Marlène Schiappa avait parlé de la "cagnotte de la honte".

Quatre ans plus tard, la gauche dénonce dans les mêmes termes la collecte pour le policier de Nanterre, mais les membres du gouvernement sont eux beaucoup plus discrets. Elisabeth Borne a tout de même estimé que cette cagnotte "ne contribue pas à l'apaisement".

"Le fait qu'effectivement, ce soit une personne proche de l'extrême droite qui a lancé cette cagnotte ne contribue pas sans doute à apporter l'apaisement", a précisément déclaré la Première ministre à la sortie d'une réunion avec l'ensemble des groupes politiques pour échanger sur ce drame et les émeutes qui ont suivi.

Nicolas Poincaré (édité par J.A.)