RMC

Catastrophe ferroviaire de Brétigny: ce qu'il faut attendre du procès

L'accident de train à Brétigny-sur-Orge, le 12 juillet 2013, avait fait 7 morts et de nombreux blessés. Dans le box des accusés, se trouvent notamment un cadre de la SNCF en charge de l'inspection des voies, mais aussi la SNCF, qui est poursuivie pour homicides involontaires.

C’est un procès qui va durer huit semaines devant le tribunal correctionnel d’Evry, pour faire toute la lumière sur la catastrophe ferroviaire de Brétigny. Le 12 juillet 2013, en fin d'après-midi, l’Intercités Paris-Limoges déraille alors qu’il traverse à 137 km/h, la gare de Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne.

Plusieurs wagons se couchent et se mettent en travers des voies. Trois passagers sont tués dans le train, quatre voyageurs qui attendaient un RER sont mortellement fauchés sur le quai. Sept morts donc en tout et 70 blessés, plus des centaines de personnes traumatisées. Le conducteur du train avait fait preuve d’un sang-froid remarquable. Il avait réussi, malgré le choc, à donner l’alerte au train qui arrivait en face et qui avait pu s'arrêter juste à temps. Évitant une catastrophe plus terrible encore.

L'enquête va rapidement mettre en cause la vétusté des voies. La pièce à l’origine de l’accident est une éclisse. Une sorte de grosse agrafe métallique qui sert à raccorder deux rails dans un aiguillage. Elle est fixée par quatre boulons et, en l'occurrence, un boulon était manquant, deux autres étaient desserrés et le dernier n’a pas tenu. L'enquête a ensuite démontré que cette éclisse était fissurée depuis plusieurs années et que les boulons n'étaient pas convenablement serrés. Pourtant, une inspection avait eu lieu le 4 juillet 2013, soit huit jours seulement avant le drame.

Le cadre de la SNCF qui avait fait cette inspection est aujourd’hui dans le box. C’est un jeune cadre, il avait 24 ans au moment des faits. Il dirigeait cette équipe de maintenance depuis six mois environ. Le jour de l’inspection, il n’a rien vu, rien signalé. Mais la veille, il avait écrit à une collègue: "C’est la merde à Brétigny, ça pète dans tous les sens, il reste tellement de boulot, je suis usé".

L’instruction a montré que ce jeune cadre manquait sans doute d’autorité sur ses équipes. Ce dirigeant de proximité se heurtait à sa brigade qui refusait d'effectuer la maintenance de nuit, et qui exigeait de ne travailler qu’en journée. C’est ce qu’indique le site spécialisé Actu-juridique qui a eu accès à l'arrêt de renvoi. Ce cadre est toujours aujourd’hui employé de la SNCF.

De terribles écoutes téléphoniques

Outre ce cadre, il y a la SNCF qui est également poursuivie pour homicides involontaires. Dans un premier temps, l’entreprise s’était montrée exemplaire. Le PDG de l’époque, Guillaume Pepy, très ému le soir du drame, avait promis la plus complète transparence. Et puis, il avait envoyé ses collaborateurs faire le tour des hôpitaux et signer des gros chèques aux blessés les plus graves. Des chèques de 50.000 euros, sans attendre que l’on établisse les responsabilités. Une démarche tout à fait inédite.

Mais par la suite, la SNCF s’est montrée beaucoup moins exemplaire. Les trois juges d’instruction ont placé des dirigeants sur écoute téléphonique, une première dans ce genre d'enquête. Et ce que ces écoutes ont révélé est terrible.

On entend un dirigeant du service juridique donner des consignes. "Il faut les laisser chercher", dit-il en parlant des enquêteurs, "il ne faut pas trop les aider". Une autre demande à un cadre de retirer les mots “en très mauvais état'' dans son rapport. Il ajoute: “Si ça passe dans Le Figaro, on est mal”.

Le service juridique de la SNCF a systématiquement briefé les salariés avant leurs auditions par les enquêteurs, leur disant ce qu’il fallait dire et ne pas dire. Une enquête a également été ouverte pour faux et usage de faux, car des documents auraient été trafiqués. L’ordinateur du jeune cadre poursuivi a, à un moment, disparu. Et quand on l’a finalement retrouvé, sa mémoire était vide.

La SNCF affirme de toute façon que l’accident était imprévisible. Ce sera sa ligne de défense pendant ce long procès. La faute à pas de chance. Mais l’instruction a pointé un manque de moyens matériels et de moyens humains pour assurer la maintenance. Les syndicats parlent de 1.000 agents manquants en Île-de-France, à l’époque.

Le tribunal va aussi se pencher sur un rapport de 2009, quatre ans avant le drame, qui suggérait que les trains ralentissent en traversant la gare de Brétigny, pour tenir compte de la vétusté du réseau. Ce rapport n’avait pas été suivi d’effets.

Nicolas Poincaré