Enquête sur les méthodes anti-drogue: des magistrates placées en garde à vue
Ce jour-là en 2012, Sofiane Hambli est sorti de sa prison à Nancy où il est incarcéré pour trafic de stupéfiants. Officiellement, il est placé en garde à vue dans une banale affaire de droit commun. En réalité, il est emmené dans un hôtel à Nanterre, juste à côté de la direction de l’Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis).
Pendant trois jours, l’informateur va gérer par téléphone une livraison de cannabis surveillée par la police. Les magistrates entendues par la police des polices sont soupçonnées d’avoir validée et couvert cette fausse garde à vue en dehors de tout cadre légal, selon les affirmations de plusieurs policiers de l’Ocrtis déjà entendus par la police des polices (IGPN) l’an dernier.
Six tonnes de cannabis au commissariat espagnol
Sofiane Hambli est alors en contact avec des trafiquants marocains qui livrent du cannabis sur les côtes espagnoles. Selon nos informations, ce sont les policiers espagnols eux-mêmes, en concertation avec les policiers français, qui réceptionnent la marchandise en se faisant passer pour des trafiquants, 200 ballots de cannabis, soit 6 tonnes au total, qui ont été stockés dans un commissariat. Plusieurs cadres de la police espagnole ont d’ailleurs déjà été entendus sur ce point par les juges français.
Les policiers espagnols infiltrés acheminent ensuite la marchandise dans une villa, à Estepona, à une trentaine de kilomètres de là, en présence de plusieurs policiers de l’office anti-drogue. Dans cette villa, un autre informateur du chef de l’Ocrtis, Hubert Avoine, est présent pour garder la villa. En 2015, il a dénoncé un trafic organisé par la police française, notamment dans cette villa. Selon nos informations, il avait toutefois quitté les lieux lorsque les trafiquants français sont venus chercher leur marchandise, et il n’avait pas connaissance du dispositif global mis en place par les policiers espagnols et français.
Confrontation entre le policier et la magistrate
Pendant ce temps, depuis sa chambre d’hôtel, Sofiane Hambli tient son rôle de voyou par téléphone. Il guide plusieurs équipes de trafiquants français, pour qu'ils viennent chercher leur commande de cannabis, tout en renseignant la police sur la composition des équipes. Les 6 tonnes de cannabis partent dans les mains des trafiquants. Presqu'un tiers est saisi par la police dans le cadre d’affaires qui s’achèvent, d’autres convois font l’objet de renseignements pris par les policiers pour nourrir des enquêtes et la connaissance du milieu criminel. C’est la technique des Myrmidons que RMC vous dévoilait il y a plus de 2 ans.
Selon les anciens cadres de l’office des stups, la méthode avait été validée par les magistrats parisiens. Est-ce que c’était également le cas de la garde à vue "fantôme" de Sofiane Hambli?
L’ex-chef de l’Ocrtis a aussi été placé en garde à vue dans cette affaire depuis lundi, il est par ailleurs mis en examen pour complicité de trafic dans un autre dossier, avec ce même informateur. Une confrontation doit avoir lieu aujourd’hui entre le commissaire et la magistrate qui est elle aussi toujours en garde à vue. A Lyon, l'instruction qui la vise est ouverte pour faux en écriture. "Mais encore faut-il savoir à qui le faux porte préjudice dans cette affaire", interroge un bon connaisseur du dossier pour qui l’intention des policiers comme des magistrats ne fait pas de doute: la lutte contre le trafic de drogue.