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Trafic de drogue à St-Ouen: "Les habitudes des trafiquants n’ont pas changé"

Une saisie de cannabis. (Photo d'illustration)

Une saisie de cannabis. (Photo d'illustration) - AFP

TEMOIGNAGES - En mai dernier, Bernard Cazeneuve avait dévoilé une série de mesures pour lutter contre le trafic qui gangrène la ville de Saint-Ouen, en Seine-St-Denis. La situation a-t-elle changé, cinq mois après? RMC s’est rendue sur place, poser directement la question aux habitants.

Le ministre de l'Intérieur se rend aujourd'hui à Saint-Ouen, en Seine-St-Denis, pour dresser le premier bilan d'un plan d'action lancé en mai dernier contre le trafic de drogue. Il y a cinq mois, Bernard Cazeneuve avait dévoilé une série de mesures pour lutter contre le trafic qui gangrène la ville.

Ce plan devait cibler à la fois les dealers et les clients. Le ministre de l'Intérieur entendait apporter une "réponse globale" contre la drogue à Saint Ouen. Concrètement, cela instaurait un passage des fonctionnaires des douanes une fois par mois sur la commune, une présence renforcée de CRS notamment aux abords du métro et du RER.

"Il y en a, des policiers"

De son côté la mairie, passée à droite aux dernières élections municipales, a lancé un vaste plan d'équipement en vidéosurveillance. Une centaine de caméras seront installées avant la fin du mandat du maire UDI William Delannoy en 2020. Avec un premier plan de 16 implantations avant la fin de l'année.

Quelle est la situation à Saint-Ouen, cinq mois après ces annonces en grande pompe? RMC s’est rendue sur place, poser directement la question aux habitants. Maria le reconnait, depuis quelques mois, elle voit plus de policiers dans les rues de Saint-Ouen.

''Il y en a des policiers, il y a en a même assez'', témoigne-t-elle au micro de RMC. ''Mais il faut s'imposer. Ce sont les trafiquants de drogue qui surveillent la police, ce n’est pas la police qui les surveille, quoi…''

"C'est toujours pareil!"

Un constat d'impunité que partage Rudy, installé à Saint-Ouen depuis huit ans.

''C'est toujours pareil!'', dénonce-t-il. ''Les jeunes, les guetteurs, ils sont interchangeables. Il y a un flot incessant, ça n’a pas vraiment changé les habitudes des trafiquants, ni des consommateurs''.

Et ce sont les riverains qui en font les frais. A 16 ans à peine, Cheyenne se fait régulièrement accoster à la sortie du lycée par des dealers.

''Vers 16h30, ils viennent me voir'', raconte-t-elle. ''Ils me disent que si j'ai besoin de quelque chose, c'est dans le bâtiment d’à côté. Il y a beau avoir une présence policière, ça ne changera pas le trafic!''

"On a besoin d'effectifs spécialisés"

Pour Grégory Poupil, délégué du syndicat de police Alliance en Seine-St-Denis, il était illusoire de vouloir mettre fin aux trafics, ''avec simplement des passages mensuel de douaniers et des compagnies de CRS'', explique-t-il.

''Ils font un boulot respectable, hein, mais ils ne connaissent pas forcément la délinquance locale. On a besoin de vingt-cinq effectifs en plus sur des services purement spécialisés dans la matière du stupéfiant pour mettre fin au trafic'', prévient-il.

Un trafic qui pourrait faire fuir certains habitants, comme Baset. Ce père de famille n'est pas très optimiste pour l'avenir.

''Ma petite a un an, donc j'ai encore trois ans devant moi'', explique-t-il. ''Mais si je vois qu'il y a rien qui change - malgré le fait que c'est une belle ville, Saint-Ouen - je ne vais pas la laisser ici. Je vends et je pars''. 

Le trafic de drogues génère chaque jour plus de 100.000 euros de chiffre d’affaires à Saint-Ouen.

C. P. avec Marion Dubreuil