Deux mois après les annonces chocs, à Saint-Ouen, le trafic de drogue continue
Souvenez-vous, c'était le 13 mai 2015 dans les colonnes du Parisien: le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, annonçait des mesures "chocs" pour éradiquer le trafic de drogue à Saint-Ouen. Il faut dire qu'à ce moment-là, cette commune de Seine-Saint-Denis, considérée comme le "supermarché" du cannabis aux portes de Paris, est touchée par des fusillades entre bandes rivales. La population est à bout de nerfs.
Dans les jours qui suivent l'interview, des policiers, 50 CRS et des douaniers sont déployés à Saint-Ouen avec pour objectif affiché de s'en prendre aux vendeurs, mais aussi de décourager les consommateurs. A l'époque Bernard Cazeneuve affirme vouloir s'attaquer à "l’ensemble des acteurs, acheteurs, rabatteurs, guetteurs, vendeurs et organisateurs, qui contribuent à la prospérité de ce trafic local".
"Le commissariat de Saint-Ouen est sous doté en effectifs"
Force est de constater que, près de deux mois après ces annonces, si les fusillades ont cessé, le trafic de drogue, lui, continue. Plus précisément, au cours d'une tournée à proximité du centre-ville avec Stéphane, policier, nous avons pu constater que sept points de deals sont toujours actifs. Pour preuve, deux guetteurs sont rapidement repérés: "Ils se mettent là pour rabattre les acheteurs et prévenir en cas de présence policière". Et l'absence de patrouilles de police, ces guetteurs, les "chouffes" comme on les surnomme, sont à leur poste dès la mi-journée: "Ils installent même des chaises pour pouvoir tranquillement guetter la police ou de potentiels acheteurs".
Si les arrestations ont été nombreuses en mai dernier, les dealers ont rapidement repris leurs marques. La raison? Des peines trop faibles selon Philippe Héliès, membre du syndicat police Alliance. D'autant plus que le dispositif de sécurité a vite été allégé: "Le commissariat de Saint-Ouen est sous doté en effectifs. On a des effectifs extérieurs qui ne sont pas dédiés au trafic et qui ne connaissent pas bien la commune. Ils ne passent pas toute leur journée sur Saint-Ouen. Car il faut savoir que les CRS sont des unités mobiles et en ce moment ils ne viennent plus en ville".
"Je ne pense pas risquer grand-chose"
Des policiers moins présents, des dealers plus méfiants… alors les consommateurs comme Sébastien n'ont jamais déserté le secteur de Saint-Ouen. Le jeune homme achète régulièrement de l'herbe et ne craint pas les arrestations: "Je ne prends pas de grosses quantités à chaque fois donc je ne pense pas risquer grand-chose. Au pire, ils vont prendre ma drogue, la jeter ou la garder pour eux et puis voilà... Ils sont tellement empêtrés dans des affaires… Il y a tellement de criminalisation autour de ça. Les prisons sont pleines, les attentes de jugement sont hyper longues donc je ne pense pas qu'avec mes deux grammes hebdomadaires je risque grand-chose.
Seule satisfaction pour les habitants: les fusillades ont cessé. Mais pour cette jeune maman du collectif "Debout Saint-Ouen" ce n'est pas suffisant: "On ne peut pas parler de violences au quotidien mais il est vrai que beaucoup de jeunes sont livrés à eux-mêmes à cause de la déscolarisation, le manque de formations ou d'informations. Toutefois, la police ne peut pas, à elle seule, régler ces problèmes de fond".
A Saint-Ouen, le trafic de drogue peut faire gagner plusieurs centaines d'euros par jour aux guetteurs. C'est pourquoi, pour les éloigner au maximum de cette délinquance, les membres de "Debout Saint-Ouen" veulent proposer des activités aux plus jeunes, loin de la région parisienne. Ils ont demandé un rendez-vous au ministre de la Ville en mai dernier mais sont toujours en attente d'une réponse….