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Faits divers

Le narcotrafiquant Mohamed Amra incarcéré à la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil

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Le narcotrafiquant Mohamed Amra, dont l'évasion sanglante en mai 2024 a coûté la vie à deux agents pénitentiaires, est "désormais incarcéré" à la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), a annoncé jeudi le ministre de la Justice Gérald Darmanin sur X.

Le narcotrafiquant Mohamed Amra a été transféré jeudi jusqu'à la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), rejoignant une trentaine d'autres détenus parmi "les plus dangereux" de France selon le garde des Sceaux Gérald Darmanin, visé par une plainte pour abus d'autorité.

Amra, considéré comme un des détenus les plus dangereux de France après une évasion meurtrière lors d'un précédent transfert, est arrivé de Condé-sur-Sarthe (Orne) peu avant 18h à bord d'un hélicoptère qui s'est posé au sein de la prison, entourée de policiers encagoulés et de CRS, a constaté l'AFP sur place. Il y est incarcéré "avec des conditions de détention extrêmement strictes", a tweeté Gérald Darmanin immédiatement après l'arrivée de l'hélicoptère.

Avec Amra sur place, "ce sera particulier. On sait que la création de ce quartier spécifique a eu lieu à la suite de l'attaque" qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires en mai 2024, a souligné David Lacroix, secrétaire local de FO Justice.

"C'est la symbolique, on fait comprendre a ces narco-bandits qu'ils ne pourront plus agir en toute impunité et devront se plier à ce nouveau régime carcéral très dur".

Darmanin visé par une plainte

Une plainte, qui dénonce les critères de sélection des narcotrafiquants transférés dans la prison de haute sécurité, a été envoyée jeudi à la Cour de justice de la République (CJR), seule instance habilitée à juger des ministres dans l'exercice de leurs fonctions.

Me Philippe Ohayon, avocat de K.A-H, un détenu qui y a été incarcéré mardi, reproche au garde des Sceaux d'avoir ordonné ce transfert "en s'affranchissant de l'obligation d'établir des liens préexistants entre le détenu, depuis la détention, et des réseaux de criminalité ou de délinquance organisée".

Ce faisant, il "a éhontément piétiné les conditions légales fixées par le Conseil constitutionnel", écrit-il dans la plainte. Le ministre a réagi en déplorant qu'"une nouvelle tentative de pression se manifeste pour faire reculer l'autorité de l'Etat", selon un communiqué transmis par son entourage.

Le coup d'envoi des incarcérations dans le quartier de haute sécurité de Vendin-le-Vieil, destiné à accueillir 100 narcotrafiquants parmi les plus "dangereux" du pays, a été donné mardi, avec 17 premiers détenus qui y ont été transférés.

Jeudi, 12 autres détenus sont arrivés à la mi-journée dans quatre fourgons, escortés par des motards de la gendarmerie, ont constaté des journalistes de l'AFP. Ils arrivent de différentes prisons de la direction interrégionale de Rennes qui comprend le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe (Orne), appelé à accueillir un second quartier de haute sécurité dans les mois à venir.

Isolement

L'objectif est d'isoler ces détenus totalement, selon un régime de détention très strict inspiré de la lutte antimafia en Italie. Mi-juin, le Conseil constitutionnel a validé ce régime carcéral d'isolement, soulignant que les dispositions de la loi subordonnaient "la décision d'affectation dans ces quartiers à la condition qu'il soit établi que ces personnes détenues continuent à entretenir des liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées pendant la durée de leur détention ou qu'elles y aient établi de tels liens".

Or, selon le plaignant, condamné pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et les armes et soupçonné d'association de malfaiteurs criminelle, son dossier pénitentiaire "ne fait qu'induire, à partir de procédures au demeurant anciennes, une capacité à établir des liens" avec la criminalité organisée.

Le garde des Sceaux "a imposé à ses services de fonder les ordres de transfert non pas sur des liens établis, mais des liens supposés lui donnant la possibilité de saisir et transférer des prisonniers bien plus facilement en se délestant de la charge de la preuve imposée par les juges constitutionnels", est-il affirmé dans la plainte.

Les plaintes adressées à la CJR sont filtrées par une commission des requêtes, qui peut les classer ou les transmettre à une commission d'instruction. Celle-ci décide ensuite d'un non-lieu ou d'un renvoi en procès. Me Ohayon a également déposé des recours, dont un référé-liberté (une procédure en urgence), devant le tribunal administratif de Paris.

D'autres avocats ont critiqué ces transfèrements. "Mon client m'a appelé de Vendin, il n'a pas la décision (de transfèrement), et j'ai demandé les modalités pour un parloir avocat, en vain", déplore ainsi Me May Sarah Vogelhut.

"Un certain nombre de prévenus n'ont pas le droit aux principes essentiels de l'état de droit", a déclaré à l'AFP de son côté Me Fabien Arakelian, dont un client a aussi été transféré mardi. "J'entends que d'un point de vue électoral, la manière de procéder de Gérald Darmanin puisse plaire, mais on est en dehors de toute sphère juridique", a-t-il dénoncé.

C.A avec AFP