"Souffrance", "désespoir": des psychologues analysent la lettre "violente" de l'assaillant de Nantes

Un adolescent de 16 ans a été interpellé ce jeudi à la suite d'une attaque au couteau survenue au sein du lycée Notre-Dame de Toutes-Aides, à Nantes. L'élève de seconde, Justin P., a été hospitalisé en psychiatrie. Avant de passer à l'acte, il avait envoyé à son lycée un manifeste très dense de 13 pages.
Alors que des experts ont été mandatés pour dépeindre son profil psychologique, ce long courrier est passé à la loupe. Il y présente en trois parties les activités néfastes de notre système.
Un discours "violent" et "anxiogène"
De nombreux thèmes sont évoqués dans ce manifeste, parfois de façon confuse. Les dégâts sur la planète, les dérives de l'éducation et des médias ou encore les conséquences des avancées technologiques. Plus précisément, il cite un "écocide globalisé", une "violence systémique", une "aliénation sociale" ou encore un "conditionnement social totalitaire".
L'adolescent dresse alors un portrait très sombre de notre société, une vision du monde très apocalyptique.
"Le récit de la fin de la conscience, du libre-arbitre, de la société qui serait comme une tumeur... Il y a quelque chose de très violent dans ce discours, d'extrêmement anxiogène", analyse la psychologue Johanna Rozenblum à RMC.
Selon la spécialiste, ses propos démontrent à quel point l'élève se sentait persécuté "par la société, par les médias et par la politique qui l'entoure", citant "quelque chose d'irrationnel" et décrivant des "symptômes à minima paranoïaques".
Un élève isolé aux intérêts préoccupants
Dans ce long courrier, désormais entre les mains des autorités, le jeune homme appelle à la "révolte biologique" pour que "l'équilibre naturel, même cruel" reprenne "sa place", sans évoquer son passage à l'acte.
Au regard de sa frustration exprimée entre les lignes, la docteure en psychologie Laure Westphal, estime sur le plateau d'Apolline Matin qu'il peut s'agir d'un individu qui était "en souffrance aiguë depuis un moment, qui s'était enlisé dans quelque chose de très douloureux pour lui et qu'il a eu des discours haineux qui donnaient du sens à son sentiment de désespoir personnel".
Quelques minutes après la diffusion de son manifeste, il faisait irruption dans une salle de classe et poignardait plusieurs de ses camarades. L'une d'entre elles est morte, et trois autres ont été blessés, dont l'un se trouve dans un état très grave.
Des signaux alarmants
L'adolescent de 16 ans n'est pas connu des services de police. Les faits et ses propos écrits dans sa missive incitent toutefois à s'intéresser à son profil psychologique.
Ses amis décrivent un adolescent "renfermé" et "discret", particulièrement isolé depuis plusieurs mois. "Il nous parlait de la pollution, de nazis, d'extrémisme, de djihadisme. Mais, moi, ce qui m'a fait le plus peur c'est quand il m'a parlé du 11 septembre où il nous disait 'ça a l'air incroyable de détourner un avion, de conduire un avion sans savoir le conduire'", raconte un camarade au micro de RMC.
Face à de tels signaux, comment réagir avant qu'un drame ne se produise ? Laure Westphal revient sur le rapport publié en 2024 sur la santé mentale alarmante des jeunes. Ce constat, bien qu'il n'implique pas nécessairement la survenue d'actes répréhensibles, reste un élément utile et pertinent dans ce dossier.
"Dès lors qu'un jeune se sent replié, piégé, impuissant, et qu'il fait état, à tout le lycée, et sans doute à tout son entourage avant, que ça ne va pas, que personne ne l'entend et qu'il n'y a pas d'issue, il s'agit effectivement d'en tenir compte et de proposer des soins", indique la docteure en psychologie, qui pointe toutefois le manque de place en psychiatrie aujourd'hui.
Des analyses psychotiques doivent être réalisées pour savoir si l'élève n'a pas consommé de substance qui aurait pu favoriser une décompensation. Il doit être vu par un psychiatre, et peut-être un pédopsychiatre.