Le bilan des opérations "Place nette" est-il satisfaisant?

Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, et Eric Dupont-Moretti, le ministre de la Justice, ont dressé mercredi à l’issue du Conseil des ministres le bilan des opérations « Place nette » contre le trafic de stupéfiants.
490 opérations (dont 24 en Outre-Mer) ont mobilisé 55.000 policiers, gendarmes et agents des douanes sur trois mois et demi. 4 tonnes de drogues, 500 armes, 70 véhicules et 20 millions d’euros d’actifs criminels ont été saisis. Des chiffres à relativiser avec ceux de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), puisque le chiffre d’affaires du narcotrafic en France est évalué à 3 milliards d’euros pour 5 millions de consommateurs réguliers de cannabis et 600.000 consommateurs de cocaïne.
3.814 personnes interpellées
Ce bilan est aussi judiciaire: les seules opérations « Place nette XXL » (9 au total, à Marseille, Nantes, Lyon, Lille, Dijon…), 3 814 personnes ont été interpellées : 599 ont été présentées à un juge, soit 16%, dont 260 ont été jugées en comparution immédiate. 186 ont été incarcérées tandis que 83 informations judiciaires ont été ouvertes.
L’INSEE évalue les trafics à 30 millions d’heures travaillées par an et l’Observatoire français des drogues rapporte qu’entre 200.000 et 300.000 personnes seraient impliquées dans le narcotrafic en France.
Quid du profil des suspects?
Ce qui n'a pas été dévoilé par les deux ministres concerne le profil des suspects interpellés. Des guetteurs, des dealers de quartier ou des têtes de réseaux ? Le menu fretin ou le haut du spectre ? Les enquêtes sont en cours. Impossible de savoir. Autre angle mort : parmi ceux qui ont été arrêtés, combien ont parlé ? Combien ont livré des informations utiles aux enquêteurs pour remonter les filières ? C’est ça qui permettrait d’évaluer le vrai bilan de ces opérations, mais là encore, Gérald Darmanin et Eric Dupont-Moretti ne peuvent pas le dire.
Des fouilles dans les cellules des prisons
Les choses se sont également accélérées au sein des prisons avec « Cellule nette », c'est-à-dire des fouilles de détenus et de cellules. En l’occurrence, dans les prisons de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) et en Corse : une centaine de fouilles au total ont été réalisées concernant 200 détenus dont plusieurs liés aux gangs marseillais bien connus, DZ mafia et Yoda. Bilan : 63 téléphones et 24 clés USB saisis.
Selon les évaluations du renseignement pénitentiaire, il y aurait dans les prisons entre 35 et 40.000 téléphones et accessoires (écouteurs, chargeurs, batteries…). Il y a trois mois, à la maison d’arrêt de Nancy, 12 téléphones ont été saisis dans une même cellule qui avaient été livrés par drone. Une centaine d’appareils sont saisis chaque mois à Fleury-Merogis.
Les points de deals ont-ils été éradiqués?
Sur le terrain, après les opérations Place nette, la police reste au bas des immeubles. En trois ans, le pilonnage des points de deal a permis d’en démanteler un millier, mais il en reste encore près de 3.000 identifiés. 3.000 points de vente, c’est deux fois plus que le nombre de McDonald's en France. Et c’est sans compter le trafic sur Internet.
A Marseille par exemple, le calme est provisoirement revenu dans le quartier de la Paternelle. A La Castellane, il y a désormais une présence policière 24h sur 24. Mais jusqu’à quand ? En fait, c’est la seule chose qui perturbe vraiment le trafic : dès que les policiers s’en vont, le business reprend et l’insécurité qui va avec…
Un bilan politique, à deux mois des européennes
Le bilan dressé par les deux ministres a pour vocation a répondre au scepticisme ambiant et aux critiques de l’opposition sur le thème : « Tout ça pour ça ». Le gouvernement veut afficher ses résultats. C'est aussi une façon aussi de mettre en valeur le travail des policiers et des magistrats.
Le régalien, la sécurité, est au cœur des préoccupations des Français et les élections européennes sont dans moins de deux mois. Elections qui, selon les sondages, s’annoncent plus que difficiles pour la majorité.