Nanterre: quand les dealers proposent des règles de vivre-ensemble aux habitants d'une tour
"Chers voisins, chères voisines (...) nous sommes de retour dans la tour". Voilà le message placardé il y a dix jours par des dealers dans un immeuble d'une cité de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. Alors qu'ils avaient déserté les lieux après une fusillade en novembre dernier, les trafiquants, de retour, proposent aux habitants des règles de vivre-ensemble.
S'ils garantissent la propreté des lieux et assurent limiter les nuisances, ils demandent en échange aux habitants de les laisser "travailler" tranquillement et de "respecter les consignes et les employés". "Nous tenons à ce que tout se passe bien, pour vous et pour nous", conclut le message truffé de fautes et sobrement signé "La direction".
Depuis, les affichettes ont disparu, mais les habitants de la tour 11 de la cité Pablo Picasso ne sont pas rassurés de voir les trafiquants se considérer comme les maîtres des lieux. "Quand j'ai vu ça, j'ai rigolé, ça m'a fait penser à des histoires de mafia, qu'on voit aux Etats-Unis, mais c'est pas sérieux", s'inquiète Slimane, qui a vécu 25 ans dans cette tour.

"Qui peut résoudre le problème? Pas les autorités"
Et ce n'est pas une fiction. Les dealers promettent de ne pas fumer dans les halls, de ne pas faire de tapage, à condition que les employés du trafic, ces guetteurs qui au pied des tours traînent, sifflent et préviennent de l'arrivée de la police, soient respectés.
Jean-Luc, locataire de la tour juste à côté, réfléchit à déménager. "Il ne faut pas que ça dure. Si on les laisse faire, c'est fini, c'est chez eux. Qui peut résoudre le problème? Ce ne sont pas les autorités", assure-t-il.
Les autorités sont conscientes d'une forme d'impuissance et constatent un changement de stratégie. Avant, les trafiquants intimidaient les populations. Désormais, ils essaient de les amadouer, comme l'explique Mickael Dequen du syndicat Unité SGP Police des Hauts-de-Seine: "Peut-être qu'ils changent leur fusil d'épaule en se disant qu'ils vont collaborer ensemble comme c'est précisé sur les affiches", constate-t-il, alors que les dealers proposent leur assistance aux habitants pour "quoi que ce soit".
Le commissariat de Nanterre assure pourtant ne pas avoir abandonné ce territoire. Des opérations ont permis de saisir 26 kg de résine de cannabis ces trois derniers mois.