J’ai deux cartes électorales: voter deux fois c’est tentant, mais je risque la prison

- - AFP
Le chiffre n’est pas anodin puisque le scrutin s’annonce particulièrement serré. Alors que les Français sont appelés aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle le 23 avril prochain, des milliers d’électeurs bénéficient de deux cartes et pourraient ainsi fausser le résultat de l’élection.
Jean-Christophe Lagarde, le président de l’UDI, a d’ailleurs envoyé un courrier au ministre de l’Intérieur Mathias Fekl pour tenter de prévenir d’éventuels "doublons". "Qu’il s’agisse de négligence ou de démarches volontaires, et bien qu’il soit difficile d’évaluer leur importance, ces anomalies pourraient constituer un risque démocratique à l’approche d’une élection aussi décisive pour l’avenir de notre pays et de nos concitoyens", écrit le député-maire de Drancy.
Selon un rapport de l’inspection générale de l’administration datant de 2014, le fichier général des électeurs compte 500.000 noms de plus que les listes électorales. Normalement, c’est la mairie qui doit prévenir l’INSEE en cas de déménagement ou de nouvelle inscription. L’INSEE s’occupant ensuite d’envoyer la demande de radiation à l’ancienne commune. Qui des communes ou de l’institut n’a pas fait sa part? Difficile à dire, mais en attendant, des milliers d’électeurs sont donc en possibilité de voter deux fois.
C’est le cas de Clémence, parisienne de 35 ans qui peut techniquement voter dans sa ville natale de Carpentras.
"Cela fait des années que j’ai deux cartes. Depuis toujours en fait. Je suis née à Carpentras, donc j’avais ma carte électorale là-bas. Ensuite je me suis inscrite sur les listes à Paris. En 2012, j’avais voté au 1er tour à Paris et au 2e à Carpentras. C’était cool et pratique, ça m’évitait de faire une procuration. Cette fois, j’ai reçu un courrier de mise à jour des fichiers de la carte électorale en provenance de la mairie de Carpentras, me demandant justement si j’étais bien domiciliée à Paris. J’ai répondu que oui. Mais ce week-end, j’étais dans le Sud, ma mère a reçu les cartes électorales de toute la famille et elle m’a dit ‘regarde, tu as encore reçu ta carte pour Carpentras’. C’est dingue.
"C’est évident qu’il peut y avoir de la fraude"
En 2012, c’était peut-être moins informatisé que maintenant. Mais je trouve ça hallucinant qu’en 2017, ça se passe encore comme ça. Voter deux fois, c’est tentant. Mais j’ai regardé sur internet, je peux aller en prison pour ça, donc je n’irai pas jusque-là (le code électoral prévoit une peine de six mois à deux ans de prison et 15.000 euros d’amende en cas de double-vote, ndlr). Mais c’est hallucinant.
Moi j’ai un candidat chouchou, Emmanuel Macron, donc je serais tenté de voter deux fois. Je ne le ferai pas, mais dans l’absolu, des gens qui sont encartés, je pense qu’ils ne se gêneront pas. Bien sûr que certain vont voter deux fois. C’est incontrôlable, c’est à la main, il n’y a aucun fichier informatique. C’est évident qu’il peut y avoir de la fraude. S’il y a un écart de voix de 20.000 voix et que certains ont voté deux fois, ça fausse tout. C’est le système français qui est mal fait".