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Législatives 2024: après la grande surprise du second tour, qui sera le futur Premier ministre?

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Le Nouveau Front populaire, devenu dimanche soir à la surprise générale première force à l'Assemblée nationale, va devoir rapidement tenter de démontrer qu'il est capable de surmonter ses profondes divergences internes pour être capable de gouverner, alors que LFI conserve une prééminence au sein du bloc de gauche.

Pas de majorité absolue, une gauche en tête, mais qui devra relever le défi de l'unité, la macronie qui "sauve les meubles" mais devra composer, un RN désenchanté... les résultats des législatives ouvrent une période incertaine pour l'Assemblée comme pour l'exécutif.

Succès surprise de la gauche

Le Nouveau Front populaire a défié les prédictions, devenant le premier contingent de l'Assemblée nationale, avec 182-186 députés, selon les premières estimations ELABE pour BFMTV/RMC/La Tribune Dimanche, devançant le camp macroniste. Si elle reste loin de la majorité absolue (289 députés), l'alliance de gauche peut se rendre incontournable au Palais Bourbon.

Mais se pose en creux la question de l'attitude des députés de gauche. "C'est clairement positif en termes de dynamique, mais il y a un certain nombre d'incertitudes. Est-ce qu'il y a une domination de LFI? Est-ce qu'il y a un rééquilibrage avec les socialistes? Qui va vouloir gouverner, et sur quel programme", analyse Christelle Craplet (BVA).

Jean-Luc Mélenchon a tranché. Refusant "d'entrer dans des négociations" avec le parti présidentiel, le leader insoumis estime qu'Emmanuel Macron a "le devoir d'appeler le nouveau Front populaire à gouverner".

"Avancer ensemble suppose de la démocratie en notre sein" et "il n'y a pas de paroles extérieures qui viendront s'imposer à nous", a répondu Olivier Faure, premier secrétaire du PS, dont les députés paraissent combler une partie de leur retard sur LFI sans pour autant devenir le premier groupe de gauche.

"Le NFP a gagné relativement, car il est en tête, mais avec deux tiers de l'Assemblée de droite, la gauche sera toujours loin", juge le politiste Luc Rouban. "La seule solution serait une coalition PS-écolo-macroniste, mais je ne vois pas pourquoi ils seraient soutenus par la droite, et LFI crierait aux sociaux-traîtres", assure-t-il.

Qui pour remplacer Gabriel Attal?

Mais qui va pouvoir prétendre aller à Matignon? Et quelle sera la place de Jean-Luc Mélenchon, personnalité très controversée au sein de l'union, dans le prochain dispositif? François Ruffin, qui a acté pendant cette campagne son divorce d'avec LFI, a appelé à gouverner "avec tendresse pour les Français", une critique à peine voilée du triple candidat à la présidentielle, partisan du "bruit et de la fureur".

Si la Constitution est claire dans son article 8: "Le président de la République nomme le Premier ministre" C'est à lui que revient ce choix, et uniquement à lui, sans calendrier particulier. Emmanuel Macron va toutefois attendre de connaître la "structuration" de la nouvelle Assemblée pour déterminer qui il va appeler à former un gouvernement, a annoncé dimanche soir l'Élysée.

"Conformément à la tradition républicaine, il attendra la structuration de la nouvelle Assemblée nationale pour prendre les décisions nécessaires", a indiqué la présidence, ajoutant qu'il ne prendrait dans ces conditions pas la parole dimanche soir.

Le chef de l'État "prend actuellement connaissance des résultats des élections législatives au rythme des remontées, circonscription par circonscription". "Dans son rôle de garant de nos institutions, il veillera au respect du choix souverain des Français", ajoute l'Élysée. Gabriel Attal, lui, donnera sa démission lundi 8 juillet au matin.

Le RN se heurte au front républicain

Avec 141 à 143 députés selon les projections le parti à la flamme progresse au Parlement, mais finit contre toute attente sur la troisième marche du podium, loin de la majorité relative promise, ou de la majorité absolue rêvée.

"Notre victoire n'est que différée", a réagi dans la foulée la cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen, quand le candidat à Matignon Jordan Bardella a fustigé ce qu'il appelle "l'alliance du déshonneur", en référence au front républicain et aux désistements de gauche et du centre qui ont brisé la vague attendue.

"On pouvait se demander s'il y avait une forme de lassitude de la part des Français (envers le barrage au RN). La réponse est non", estime Christelle Craplet.

"Dès lors qu'ils sont proches d'atteindre le pouvoir, ils ont toujours ce plafond de verre. Mais malgré tout ils progressent énormément et vont former un groupe extrêmement puissant", pondère la politologue.

"Le Rassemblement national double son nombre de sièges, c'est déjà assez rare. Ca peut être bon pour Marine Le Pen d'affronter la présidentielle (de 2027) sans avoir la pression gouvernementale", pondère aussi le politologue Roland Cayrol.

Le brouillard peut-il servir à Emmanuel Macron?

"Aucune majorité absolue ne peut être conduite par les extrêmes", s'est réjoui sobrement dimanche le Premier ministre démissionnaire Gabriel Attal, promettant de rester en poste "aussi longtemps que le devoir l'exigera". En perdant dans la dissolution plusieurs dizaines de députés (163 élus), Emmanuel Macron peut-il paradoxalement tirer profit d'une Assemblée fracturée en trois ?

"On n'a toujours pas de Premier ministre qui se dégage, et pas de véritable opposition claire non plus", pointe Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste de l'Université de Rouen, qui estime que "la clé revient peut-être au président de la République, s'il appelle à l'apaisement et dégage des couloirs à chacun" y compris "son groupe".

Pour le politologue Philippe Raynaud, "le plus vraisemblable c'est arriver à désigner un Premier ministre de gauche qui ne serait pas LFI, et qui essaierait de gouverner avec ce qu'il reste d'Ensemble (le groupe macroniste, ndlr), mais avec la difficulté que la seule chose qui unifie la gauche c'est le projet de défaire ce que Macron a fait depuis sept ans".

"Cette alliance contre le RN aboutit à une forme de paradoxe institutionnel. Les électeurs se sont mobilisés et ont répondu à cet appel, mais pour produire une France ingouvernable à ce stade", analyse Martial Foucault (Cevipof). "On va expérimenter le temps des discussions, sans doute des revirements, beaucoup de bruits de claquements de portes", pointe-t-il, en référence aux joutes qui accompagnent les négociations de gouvernement dans un régime parlementaire.

L'élection du prochain président de l'Assemblée, le 18 juilllet, pourrait fournir de premiers indices sur les rapports de forces et les jeux d'alliance dans la nouvelle chambre.

"Est-ce la plus grande crise de notre Ve République? C'est fort possible", juge Gaël Sliman, président d'Odoxa. "Emmanuel Macron avait souhaité une clarification avec la dissolution, là on est dans l'incertitude totale. Un très grand brouillard".

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CA avec AFP