"Les moqueries contre Sébastien Delogu, du mépris de classe": l’avis tranché d’Arthur Chevallier

Les moqueries contre Sébastien Delogu, qui a eu des difficultés à lire un texte en commission des finances à l’Assemblée nationale, relèvent du mépris de classe. Une fois n’est pas coutume, ce député de La France insoumise mérite d’être défendu. D’abord parce qu’il n’a rien fait de mal. Il a juste mal lu un texte. On peut être surdiplômé et même très intelligent tout en étant incapable de lire à haute voix. Ça arrive à tout le monde, même aux rois. La preuve: George V, roi d’Angleterre, bégayait quand il prenait la parole en public, y compris quand il lisait un texte, et ça ne l’a pas empêché de gagner la Seconde Guerre mondiale.
Là, il ne s’agit pas d’un roi, mais de quelqu’un qui représente le peuple. Et justement, ça nous choque parce que ça ne correspond pas à l’idée qu’on se fait d’un député. Pour nous, un député, ça doit s’exprimer correctement. Et avoir des manières parfaites, ça aide, mais ce n’est pas une condition pour être élu. Si on a cette idée, c’est parce qu’à l’Assemblée nationale, tous les députés se ressemblent. Un chiffre: 74% des députés actifs, c’est-à-dire non retraités, appartiennent aux professions intellectuelles supérieures. En comparaison, dans la population, ça dépasse tout juste les 21%. Les pauvres sont donc moins représentés que les riches.
Il devrait y avoir plus d’ouvriers à l’Assemblée, la démocratie y gagnerait. La rupture entre les élites et le peuple, ça tient aussi à ça. Si vous n’avez pas de personnes issues des classes populaires dans les cercles du pouvoir, vous les faites disparaître petit à petit. Et donc leurs problèmes aussi disparaissent du champ de vision de ceux qui gouvernent. A la fin, plus personne ne s’intéresse à eux. Dans cette République, il n’y a pas de citoyen de seconde zone. Tout le monde a le droit d’être entendu. Et pas seulement de loin. D’ailleurs, on est bien obligé de constater que c’est au RN et à La France insoumise qu’on doit d’avoir fait élire des personnes issues des classes populaires. Ça pose quand même quelques questions…
Seulement quatre ouvriers députés
Les classes supérieures ont toujours été plus représentées que les autres. Mais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ça ne s’améliore pas. Par exemple, en 1945, il y avait 65 ouvriers députés sur 522. Ils sont quatre aujourd’hui. On a aussi eu des ministres de premier plan qui n’avaient pas fait d’études, et pas n’importe lesquels. Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac. Pierre Bérégovoy, Premier ministre de François Mitterrand. Ce n’est pas la norme, mais c’est important que ça existe. Ils incarnent la promesse de l’égalité républicaine. Ils sont la preuve qu’on peut arriver tout en haut en étant parti de tout en bas. Et ils incarnent une diversité dont on ne parle jamais, celle des origines sociales.
Député, ce n’est quand même pas un métier comme un autre, ça requiert un minimum de compétences. Mais l’Assemblée, ce n’est pas une grande école. On n’y accède pas après une classe préparatoire ou un concours. Tout le monde peut être élu député, et rien ne nous dit qu’une personne diplômée fera un meilleur parlementaire qu’une personne qui ne l’est pas. Les compétences, ça s’acquiert, et les juges, ce sont les électeurs. L’entre-soi de la vie politique, c’est une cause importante de la crise de confiance entre l’Etat et les citoyens. Tout ce qui peut y remédier est bon à prendre. L’Assemblée, ce n’est pas un club de gentlemen.