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Nouvelle-Calédonie: pourquoi l’Azerbaïdjan, la Russie et la Chine sont pointés du doigt

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Face à la situation en Nouvelle-Calédonie, où des émeutes ont eu lieu depuis le début de la semaine, le rôle de l’Azerbaïdjan, mais aussi de la Russie et la Chine, est dénoncé.

Gérald Darmanin a accusé l’Azerbaïdjan d’ingérence en Nouvelle-Calédonie. Il a même précisé qu’une partie des indépendantistes avaient fait "un deal avec l’Azerbaïdjan". Fantasme ou réalité? Le ministre de l’Intérieur dit "réalité". L’Azerbaïdjan parle de "déclarations insultantes et infondées". L’Azerbaïdjan, c’est une petite république du Caucase, indépendante depuis 1991 et l’effondrement de l’URSS, avec 10 millions d’habitants. Capitale, Bakou. En réalité, c’est une dictature, dirigée par un président pro-russe, Ilham Aliyev, dont toute l’économie repose sur le pétrole de la mer Caspienne.

Gérald Darmanin accuse Bakou d’ingérence et les services de renseignement intérieur (DGSI) ont même documenté cette accusation. Ils ont vu, dans les manifs à Nouméa, des drapeaux azerbaïdjanais, avec des indépendantistes qui arboraient des t-shirts floqués de ce même drapeau et qui brandissaient des portraits d’Ilham Aliyev. Surtout, il y aurait un groupe lié à Bakou qui soutiendrait les indépendantistes les plus radicaux.

Il y a un fait indiscutable: en avril dernier, il y a bien eu un mémorandum de coopération signé entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et l’Assemblée nationale d’Azerbaïdjan. Un texte qui vise à "sensibiliser la communauté internationale sur le droit du peuple de la Nouvelle-Calédonie à l’autodétermination".

Autre fait avéré: l’Azerbaïdjan pousse le mouvement kanak via le Groupe d'initiative de Bakou (GIB). Un lobby qui a pour objectif de "soutenir le combat contre le colonialisme". Un groupe né en juillet 2023 à Bakou, lors d'une conférence organisée par les autorités azerbaïdjanaises avec les indépendantistes des territoires français de Nouvelle-Calédonie, mais aussi de Martinique, de Guyane et de Polynésie. Le compte X du GIB fait même porter la responsabilité des violences dans l’archipel à l’État français. D’autres comptes X azéris partagent même une affiche qualifiant la police française d’"assassine".

Mais Bakou, c’est à 14.000 kilomètres de Nouméa. Pourquoi l’Azerbaïdjan s’intéresserait à la Nouvelle-Calédonie? Parce que la France soutient l’Arménie dans son conflit territorial avec l’Azerbaïdjan dans la région du Haut-Karabakh. Des représailles, si vous préférez… Mais il se trouve aussi que l’Azerbaïdjan est proche de la Russie et de la Chine. Or, la Russie, en Afrique comme en Nouvelle-Calédonie, fait tout pour déstabiliser l’Occident et singulièrement la France.

Quant à la Chine, 1er producteur de nickel au monde, elle n’est pas mécontente de ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie, dont le sous-sol contient la deuxième réserve mondiale de nickel, un minerai qu’elle rêverait d’exploiter un jour à la place des Français. Et sans nickel, pas de batterie pour les voitures électriques.

Une série de maladresses de la métropole

Voilà pourquoi Paris, dans le cadre de l’état d’urgence, a interdit le réseau TikTok, dont la maison-mère est… chinoise. Un réseau où l’on pouvait voir avant-hier des montages avec des images de policiers armés, suivies d’images de Kanaks morts. Des vidéos relayées par des milliers de comptes actionnés par… Bakou.

Mais cette ingérence étrangère, si elle est avérée, suffit-elle à expliquer la crise? C’est une explication trop simple pour une crise qui ne l’est pas. Ces pays appuient là où ça fait mal mais la crise, elle, est bien née de ce projet de réforme constitutionnelle consistant à dégeler le corps électoral en Nouvelle-Calédonie. Un projet légitime, en l’occurrence: comment justifier que des Français présents depuis 15 ou 20 ans sur le sol calédonien ne puissent pas voter aux élections locales? On ne l’accepterait pas en métropole.

Sauf que le gouvernement a commis une succession de maladresses. D’abord en confiant ce dossier ultra-sensible au ministère de l’Intérieur alors qu’historiquement, il a toujours été géré à Matignon. Puis en menant une réforme sans la faire précéder d’un accord consensuel local. Et en nommant place Beauvau une secrétaire d’Etat à la Citoyenneté, Sonia Backès, qui est une des figures emblématiques des loyalistes dans l’archipel, aujourd’hui présidente de l’assemblée de la Province sud. Puis en confiant le poste de rapporteur de cette réforme à l’Assemblée à un député loyaliste, Nicolas Metzdorf. Double provocation pour les Kanaks.

Et puis enfin, sans tenir compte des signes avant-coureurs de la crise. Le 2 avril dernier, jour du vote de la réforme au Sénat, il y avait 6.300 manifestants dans les rues de Nouméa, selon la police. Rapporté à la population de l’archipel, c’est comme si 1,7 million de personnes avaient défilé à Paris. Autrement dit, Bakou et l’Azerbaïdjan, c’est sans doute vrai, mais c’est un peu court pour expliquer la crise calédonienne et les émeutes.

Laurent Neumann