Nouvelle-Calédonie: pourquoi la France accuse l’Azerbaïdjan d’ingérence

Trois nuits d’émeutes, quatre morts dont un gendarme de 22 ans. Depuis le début de la semaine, de violents incidents se produisent en Nouvelle-Calédonie, dans le contexte de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un projet de réforme du corps électoral pour les élections locales qui devra encore passer par le Congrès. Si les indépendantistes ont appelé au calme, des jeunes continuent de semer le chaos aux abords de Nouméa. Pour Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, l’Etat a fait preuve d’"arrogance" ces derniers mois.
"La Nouvelle-Calédonie est un territoire que je connais bien, a-t-il expliqué ce jeudi sur RMC et BFMTV. J’ai participé de loin avec l’équipe de Michel Rocard en 1988 qui avait ramené la paix, après 21 morts dans les affrontements à Ouvea, plus d’autres qui avaient précédé et suivi cet accord. La paix avait tenu 35 ans, jusqu’au moment où par sa précipitation et son arrogance, et une certaine forme d’ignorance, l’Etat a décidé, voyant une bouteille de nitroglycérine devant lui, de donner un grand coup de pied dedans. Et s’étonnant des effets qu’il venait lui-même de provoquer… Ce texte extraordinaire (réforme du corps électoral, NDLR) a été voté par 351 députés qui, visiblement, ne vivent pas dans le même monde que nous. Il est toujours possible de revenir à une situation de pacification si on prend le temps et la mesure."
"Ce sont des représailles de l'Azerbaïdjan"
Une situation tendue dans laquelle le rôle de l’Azerbaïdjan est clairement pointé, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin accusant Bakou d’ingérence ce jeudi. "Sur l'Azerbaïdjan, ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité, explique-t-il sur France 2. C’est une dictature qui massacre une partie des Arméniens. Je regrette qu’une partie des leaders indépendantistes calédoniens aient fait un deal avec l'Azerbaïdjan, c’est incontestable. Aujourd’hui, même s’il y a des tentatives d’ingérence, aucun pays n’accède à la violence en Nouvelle-Calédonie. La France est souveraine chez elle, et c’est tant mieux."
En l’occurrence, un mémorandum de coopération entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et le parlement azéri a été signé le mois dernier. Un texte à l’objectif clair: "Sensibiliser la communauté internationale sur le droit du peuple de la Nouvelle-Calédonie à l’autodétermination". Des drapeaux azéris ont été vus dans des manifestations à Nouméa.
"Pourquoi l’Azerbaïdjan? Parce que l’Arménie, répond Alain Bauer. La France soutient fortement l’Arménie et a mis en cause l’Azerbaïdjan dans les dernières évolutions militaires au Haut-Karabagh. C’est une manière de mettre un caillou dans chaque chaussure. Ils essayent de faire la même chose avec la majorité de la Polynésie française. L’Azerbaïdjan a décidé que puisque nous nous occupions des affaires arméniennes et donc des affaires azéries de leur point de vue, il n’y avait pas de raison qu’ils n’utilisent pas des moyens de représailles. Effectivement, ce sont des représailles. Le ministre de l’Intérieur a des moyens informations dont je ne dispose pas. Mais il est clair que l’Azerbaïdjan est devenu une puissance d’ingérence dans les affaires internes de la France, de territoires d’Outre-Mer dont certains sont inscrits sur la liste des pays à décoloniser de l’ONU."
Un groupe de réflexion et d’influence (GIB) a été officiellement créé par Bakou en juillet 2023, pour "soutenir le combat contre le colonialisme et le néo-colonialisme". Outre la Nouvelle-Calédonie, la Guyane française, la Polynésie française, la Guadeloupe et la Corse sont citées par ce groupe azéri.