"On a besoin de main d’œuvre": Roland Lescure juge "trop restrictif" le texte sur l’immigration

C’est une version durcie du projet de loi sur l’immigration qui arrive à l’Assemblée nationale, après son adoption au Sénat. A majorité LR, ce dernier a préféré donner tout pouvoir au préfet de décider ou non de régulariser les sans-papiers qui travaillent dans des secteurs en tension. A l’origine, le texte prévoyait des régularisations de "plein droit". Les députés Renaissance veulent désormais supprimer le pouvoir discrétionnaire accordé au préfet par les sénateurs, mais sans pour autant revenir à la version initiale, c’est-à-dire en laissant au préfet la possibilité de s’y opposer dans un certain nombre de cas, prévus et encadrés. Une position défendue par Roland Lescure, le ministre délégué chargé de l’Industrie.
"Tel qu’il arrive à l’Assemblée, (le texte) est très restrictif, explique-t-il dans Apolline Matin ce lundi sur RMC et RMC Story. Trop restrictif, parce qu’il ne permet pas de régulariser des gens qui sont déjà en France, qui bossent, qui sont utiles. Et pour être très clair, qui font des jobs que personne d’autre ne veut. Ces gens sont intégrés. Le défi de l’immigration aujourd’hui, c’est l’intégration. Il y a des gens qui ne s’intègrent pas. Quand on parle d’islam politique, d’extrémisme islamiste, ce sont des gens qui ne sont pas intégrés à la société française. Là, on a des milliers de personnes qui sont intégrées à la société française, dont on dit qu’ils ont mérité leur permis de travail, donc donnons-leur."
"Pas très loin de ce que disait Nicolas Sarkozy"
Mais les députés Renaissance vont devoir trouver des alliés. "L’idée, c’est de converger vers un compromis, reconnaît Roland Lescure. Il y a un amendement du rapporteur, Florent Boudié, qui prévoit que sauf exception (remise en cause violente de l’ordre public, polygamie, comportement pas en phase avec ce qu’on souhaite en France…), ceux qui sont en France depuis un certain temps, qui bossent, qui sont intégrés, doivent pouvoir être régularisés. Au fond, c’est assez raisonnable." Les députés de droite se laisseront-ils convaincre, alors que les sénateurs de droite ont voté une version plus dure?
"Ce que je dis, ce n’est pas très loin de ce que disait Nicolas Sarkozy il y a dix ans, estime Roland Lescure. Est-ce que c’est vraiment de gauche de dire qu’aujourd’hui, on a des besoins économiques et qu’il y a des talents qui peuvent rejoindre la France? Ils vont s’intégrer davantage via l’économie. Cela fait des siècles que la France est un pays d’immigration, des décennies qu’il y a une immigration qui marche en France, et j’aimerais qu’on le dise de temps en temps, parce que les gens s’intègrent, qu’ils bossent, parce que leurs enfants vont à l’école, à l’université… On a des générations de Françaises et Français qui viennent de l’étranger, qui se sont intégrées et qui, aujourd’hui, font la France. Ceux qui viennent en clandestins pour faire tout sauf s’y intégrer et ne pas travailler, il faut qu’on puisse les renvoyer chez eux."
"On manque de soudeurs, de soudeuses aussi"
Pour Roland Lescure, cette immigration économique est de toute façon nécessaire. "On a besoin de main d’œuvre, souligne-t-il. Dans les dix ans qui viennent, on va avoir 800.000 à 900.000 personnes qui vont prendre leur retraite dans l’industrie, souligne le ministre. On va former le maximum de jeunes qui sont présents aujourd’hui en France vers ces métiers. Mais il faudra sans doute compléter ça par une partie qui viendra d’ailleurs." Et surtout dans les métiers en tension.
"Dans l’industrie, il y a des métiers en tension qui sont très qualifiés. On manque d’ingénieurs, de docteurs… Il y en a aussi qui sont qualifiés, mais pas au troisième degré universitaire, comme des soudeurs, des chaudronniers… On a besoin de 150.000 personnes pour construire les réacteurs nucléaires, pour décarboner la France. Dans ces métiers du nucléaire, on a besoin de beaucoup de soudeurs. On manque de soudeurs en France, de soudeuses aussi. Il faudrait que les jeunes femmes s’y intéressent", ajoute Roland Lescure.
"Il y a un dispositif qui existe déjà, le passeport talent, rappelle le ministre chargé de l’Industrie. Il permet de faire venir, par exemple dans le secteur des nouvelles technologies, de faire venir des ingénieurs ou des chercheurs. Il faudra sans doute élargir un peu ce dispositif à des métiers particuliers, dans les dix ans qui viennent, pour faire venir ceux dont on a besoin et qu’on n’arrive pas à former en France."