Pourquoi Emmanuel Macron est attendu de pied ferme en Corse

Emmanuel Macron se rend en Corse ce mercredi soir et il y restera jusqu’à vendredi. Son discours ce jeudi devant l'Assemblée de Corse est très attendu. La question essentielle est de savoir s’il se prononcera en faveur de l’autonomie. Emmanuel Macron va-t-il ou non prononcer ce mot ultra-sensible? L’autonomie de la Corse, au départ, le président était contre. Lors d’un voyage sur l'Île en 2019, il avait été clair, il était prêt à des reconnaissances de la spécificité corse, mais pas à l’autonomie dans la République.
Seulement, depuis, il y a eu un assassinat qui a fait bouger les choses. Il y a un an et demi, en mars 2022, Yvan Colonna a été tué par un codétenu dans la prison d’Arles où il purgeait une peine de perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac. Des manifestations de colère ont aussitôt éclaté en Corse. Et c’est à ce moment-là, pour calmer le jeu, que Gérald Darmanin avait déclaré: "Oui, nous sommes prêts à discuter de tout, nous sommes prêts à aller jusqu'à l'autonomie".
C’est cette interview à Corse-Matin du ministre de l'Intérieur qui avait ouvert la porte et lancé un cycle de discussion entre l'État et les élus corses. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement, l’autonomie? C’est tout le problème. Il faut se mettre d’accord sur ce que l’on entend par ce terme. Plus de pouvoir pour l’assemblée territoriale, moins pour l'État. Mais jusqu’à quel point? Les élus corses ont déjà beaucoup de mal à se mettre d’accord entre eux.
Finalement, en juillet dernier, les nationalistes qui ont la majorité à l'Assemblée de Corse ont voté un texte pour définir ce qu’ils demandent. Ils réclament la reconnaissance juridique du peuple corse, que la langue corse ait un statut de langue officielle au même titre que le français, et enfin un statut de résident. Un statut qui permettrait entre autres de faciliter l'accès à l'immobilier pour les Corses, en taxant lourdement les achats de ceux qui ne sont pas résidents.
Des évolutions institutionnelles?
Emmanuel Macron n’est pas prêt à accepter ces revendications. Sur la langue, pour l’Elysée, on peut faire des efforts en matière de bilinguisme mais pas reconnaître le corse comme langue officielle. La Constitution prévoit que la République n’a qu’une langue, c’est le français.
Le statut de "résident", c’est pour l’Elysée une ligne rouge parce que cela reviendrait à créer deux catégories de citoyens dans la République. Quant à la reconnaissance juridique du peuple corse, cela nécessiterait une modification de la Constitution et donc une large majorité au Congrès, ce qui semble très compliqué…
Du coup, qu’est-ce que le président pourrait annoncer? Des évolutions institutionnelles. C’est ce que dit l’Elysée: si d’ici jeudi, les élus corses parviennent à trouver un accord conforme au cadre républicain, c’est-à-dire conforme à la Constitution, alors le président pourrait se prononcer sur une évolution du statut de l'île. Une évolution naturellement vers plus d’autonomie, que le mot soit prononcé ou pas…
Des exemples de régions autonomes en Europe
Il y a beaucoup de régions autonomes en Europe qui peuvent servir de modèle. Le pays de Galles, en Grande-Bretagne. Le Groenland, qui est une région autonome du Danemark mais quasiment indépendante. En Italie, la Sardaigne et la Sicile ont ce statut, mais aussi la petite vallée d'Aoste qui est autonome pour défendre l’usage de la langue française. En Espagne, ce sont toutes les régions qui sont autonomes.
Quant à la France, elle a su accorder une très large autonomie à la Polynésie. Depuis 2004, elle est dirigée par un président, un gouvernement, et une assemblée qui vote ses lois. Preuve que l’autonomie est possible au sein de la République.