Wauquiez-Retailleau, Copé-Fillon, Chirac-Balladur... La guerre des chefs à droite ne date pas d'hier

La nomination d'un nouveau président au sein des Républicains était censée être une formalité mais celle-ci passera finalement, a minima, par un duel. C'est Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur en exercice, qui a dégaîné en premier, mercredi, l'annoncant dans une lettre interne aux militants. Un peu plus de 24h après, c'est au tour de Laurent Wauquiez, président du groupe La Droite Républicaine à l'Assemblée, de répliquer dans Le Figaro.
L'ancien président de la région Auvergne-Rhône-Alpes ne veut pas "d'une guerre des chefs" et assure qu'il "a tout fait pour l'éviter". "Voter ce n'est pas diviser. La démocratie a été inventée pour éviter la guerre, avec des règles", s'est défendu ce matin Bruno Retailleau à l'issue du conseil stratégique du parti.
Un duel annoncé dont on ne connaît pas encore la date mais qui pourrait d'ores et déjà donner des sueurs froides aux militants et ténors du parti, tant les affrontements fraticides dans la famille gaulliste sont légion. C'est tout le problème de la droite. Elle a le culte du chef, et en même temps, elle a toujours beaucoup de mal à le choisir. Au contraire de la gauche qui croit aux primaires, la droite pense qu'un chef s’impose. Problème : quand il ne s'impose pas, c’est la guerre.
Le culte du chef, le premier étant De Gaulle
Pour comprendre, il faut remonter le temps. Le premier des chefs à droite est le général de Gaulle. Rappelé au pouvoir en 1958, il est incontestable et c'est lui qui va fonder, avec Michel Debré, la Ve République. Mais en 1969, il s’en va, et c’est son ancien Premier ministre, George Pompidou qui lui succède en étant élu président. À cette époque, il n'y a pas de guerre car ce dernier s’était imposé comme le dauphin naturel de Charles De Gaulle.
C'est après que les choses se gâtent. Lors de l’élection présidentielle de 1974, deux candidats de droite s’écharpent: Jacques Chaban-Delmas, un fidèle du général de Gaulle et Valéry Giscard d’Estaing. C’est finalement ce dernier qui va emporter la mise, à 48 ans et restera avant l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, le plus jeune président élu de la Ve République.
Il réussit à rassembler les troupes de la droite et du centre-droit mais pour un temps seulement. Son Premier ministre, Jacques Chirac, démissionne avec fracas en 1976 pour cause de désaccord et fonde le RPR (ancêtre de l'UMP et de LR). La guerre est déclarée.
L'affrontement Giscard-Chirac
En 1981, rebelote. Il y a deux candidatures à droite, Valéry Giscard d'Estaing d’un côté, Jacques Chirac de l’autre. C'est finalement François Mitterrand, le candidat de la gauche, qui est élu face au président sortant. Une rivalité tellement exacerbée entre Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac que ce dernier aurait appelé à voter pour le socialiste lors du second tour, rapportait le premier dans ses mémoires publiées en 2006.
En 1988, Jacques Chirac se représente et accède cette fois au second tour, malgré la candidature de Raymond Barre sous l'étiquette de l'UDF (parti de Valéry Giscard d'Estaing). Mais le Corrézien n'arrive pas à empêcher un second septennat de François Mitterrand.
La trahison d'Édouard Balladur
Devenu une figure de la droite, Jacques Chirac se prépare de nouveau pour l'élection présidentielle, en 1995, mais est trahi par son plus fidèle lieutenant, Édouard Balladur. Celui-ci avait été installé à Matignon en 1993 lors de la deuxième cohabitation avec François Mitterrand. Les deux amis s'affrontent alors qu'ils sont tous les deux membres du RPR. Malgré des sondages qui donnent Édouard Balladur gagnant, c'est Jacques Chirac qui se qualifie au second tour derrière le socialiste Lionel Jospin. C'est finalement le premier qui l'emporte, le début d'un règne de 12 ans jusqu'en 2007.
Vers 2005, Jacques Chirac, en fin de règne et diminué par un AVC, ne peut que constater l'ascension médiatique de Nicolas Sarkozy, notamment au ministère de l'Intérieur. Personne ne conteste son leadership (si ce n'est Dominique de Villepin, pendant un temps).
Le psychodrame Copé-Fillon
Adoubé par tout l'UMP, Nicolas Sarkozy remporte l’élection de 2007 face à Ségolène Royal. Sauf que sa défaite en 2012 face à François Hollande provoque une nouvelle crise. Deux hommes se battent pour récupérer le parti : Jean-François Copé et François Fillon. Une élection a lieu en novembre. Jean-François Copé est déclaré vainqueur mais le camp de François Fillon conteste le résultat. Des accusations de tricheries sont lancées envers les deux candidats.
C’est le début d’un psychodrame et l'ancien Premier ministre opère une sorte de scission avec un groupe parallèle à l'Assemblée nationale, "Rassemblement UMP". Les deux hommes se mettront ensuite d'accord mais c'est bel et bien Jean-François Copé qui restera président du parti jusqu'à l'été 2014.
Si Nicolas Sarkozy revient en 2014 et renomme le parti "Les Républicains", son échec au premier tour de la primaire en 2016 (une grande première dans l'histoire de la droite gaulliste, avec des débats télévisuels) puis la déflagration de l'affaire Fillon lors de la campagne présidentielle laisse la droite orpheline d'un véritable leader.
Wauquiez connaît le poste, Retailleau l'a déjà brigué
Si Laurent Wauquiez lorgne sur le poste des Républicains, il faut rappeler qu'il a déjà exercé la fonction, élu en 2017 après Nicolas Sarkozy, justement. L'échec du parti aux européennes de 2019 poussera vers la sortie celui qui prônait une "droite décomplexée".
Bruno Retailleau a lui aussi déjà été candidat au poste en 2022, sans succès toutefois. Il avait échoué face à Éric Ciotti, dont là aussi le psychodrame à l'été 2024 a fait la une après son alliance (unilatérale) avec le Rassemblement national. Pour l'anecdote, Bruno Retailleau avait déclaré avoir fait acte de candidature du fait de l'absence... de Laurent Wauquiez!
La droite n’arrive pas à se choisir un chef du fait de sa culture politique. Chez elle, les élections internes se terminent toujours en grand déballage. Ils ne savent pas faire. Ils se tapent dessus avec une telle violence qu’à la fin, tout le monde en sort abimé. La droite s’épanouit dans les victoires mais plus elle perd, plus elle se divise... et plus elle perd.