Jordan Bardella juge la dissolution "inévitable" mais reste prudent sur la censure

Jordan Bardella, président du RN, le 16 décembre 2024 à Matignon - LOU BENOIST / AFP
Si Jordan Bardella a estimé lundi qu'une nouvelle dissolution était "inévitable" dès l'été prochain, sûr d'un "réveil des fiertés nationales" qui doit conduire le RN au pouvoir, l'idée de renverser le gouvernement Bayrou dès l'examen du budget n'a pas encore été tranchée par les lepénistes.
"Il me paraît inévitable de convoquer des élections législatives dès qu'elles seront institutionnellement possibles: seul le retour au peuple permettra de construire une majorité claire et stable pour le pays", a lancé le patron du Rassemblement national lors de voeux à la presse, à Paris. Une dissolution, prérogative présidentielle, ne peut avoir lieu qu'un an après les dernières élections législatives, c'est-à-dire en juillet.
"Que le peuple tranche"
Or, pour l'eurodéputé d'extrême droite, "seul le retour au peuple permettra de construire une majorité claire et stable pour le pays", fustigeant au passage "la façade du consensus mou" et du "compromis qui ne satisfait personne" qu'incarne selon lui François Bayrou, coupable à ses yeux d'une "inertie préoccupante".
"Y a t-il un pilote dans l'avion?", a interrogé le patron du RN. "Les rares qui se laissent tenter par une réponse affirmative se demandent: pour aller où ?", a-t-il ajouté, relevant que "si la composition actuelle de l'Assemblée nationale, complexe et indécise, représente les propres doutes des Français, elle ne pourra rester en l'état sans plonger la France dans une forme d'immobilisme".
"Il faudrait en ce sens nécessairement que le peuple tranche et achève ce qu'il a initié l'été dernier", a encore martelé celui que Marine Le Pen avait désigné comme Premier ministre putatif si le RN avait remporté les législatives anticipées.
Car Jordan Bardella en est certain: les quelque 37,17% obtenu par les candidats lepénistes et ciottistes au second tour en juillet dernier (143 députés sur 577), autant que l'élection de Trump en novembre aux États-Unis, s'inscrivent dans une "puissante vague électorale", "une dynamique et un état d'esprit qui traversent toutes les démocraties occidentales" et "un réveil des fiertés nationales".
Une censure qui ne censure pas
De là à renverser le gouvernement Bayrou dès l'examen du budget, a fortiori si ce dernier devait être adopté dans les prochains jours par un 49.3, ce qui entraînerait une motion de censure?
"La censure, pour nous, ce n'est pas un jouet et (ça) n'est pas une fin", a esquivé le patron du RN.
Un mois et demi après avoir fait chuter l'équipe Barnier, les lepénistes estiment certes en avoir tiré plus d'avantages - affirmation de leur poids politique - que d'inconvénients - le risque d'apparaître comme les artisans de l'instabilité. Mais un remake hivernal pourrait inverser la balance, mettent en garde nombre de cadres du RN qui s'inquiètent d'une escalade de la crise politique sans possibilité de dissolution immédiate.
Parmi les plus allants, le député Jean-Philippe Tanguy se dit "toujours pour la censure", relevant que "ce sera toujours un plaisir de se débarrasser des macronistes" si "les conditions sont réunies". Lesquelles? "Marine Le Pen et Jordan Bardella les détermineront", demeure-t-il prudent.
"La situation ne durera pas très longtemps"
En privé, les députés d'extrême droite font surtout le pari que leurs collègues socialistes ne sacrifieront pas le gouvernement. Ce qui leur permettrait de voter la censure de manière indolore.
"Alors que les conséquences d'une nouvelle censure seraient plus gênantes que la première fois, censurer sans avoir les impacts de la censure, ça n'aura que des avantages", veut croire un proche de Marine Le Pen. Selon lui, un tel scénario les "inscrirait dans l'opposition" sans nourrir quelque procès en irresponsabilité.
Mieux: cela permettrait au RN de placer les figures LR du gouvernement - populaires, y compris chez les électeurs lepénistes - face à leurs responsabilités. Jordan Bardella s'y est déjà essayé lundi en interpellant "Bruno Retailleau, Gérald Darmanin", respectivement ministres de l'Intérieur et de la Justice, "et une partie des Républicains", les interrogeant sur leur souhait de "rester dans un gouvernement qui donne des gages à la gauche".
"En tous les cas, la situation ne durera pas très longtemps", a encore prédit l'eurodéputé.