Canicule: "On a énormément de retard sur l’adaptation" selon François Gémenne
"Vous ne pouvez pas faire pousser des arbres en 15 jours". Pour le chercheur François Gémenne, spécialiste des questions climatiques et co-auteur du dernier rapport du Giec, la France paye déjà, au travers de cette nouvelle canicule en ce début de semaine, l’inaction publique pour s’adapter au changement climatique.
"Ces événements, qu’on considérait comme exceptionnels, vont devenir la norme, souligne-t-il dans ‘Les Grandes Gueules’ ce lundi sur RMC et RMC Story. C’est l’un des effets du changement climatique, augmenter l’intensité et la fréquence de ces phénomènes exceptionnels. L’été dernier, c’était les inondations. Il va falloir s’adapter à ce qui devient la nouvelle normalité. Pour les vagues de chaleur, ça veut dire végétaliser les villes, changer l’architecture, peindre en blanc certains bâtiments, mieux isoler… Et modifier sans doute certains rythmes de travail, certaines activités. Les infrastructures aussi: la question des rails et des caténaires est un énorme enjeu. On a toute une série de problèmes liés aux infrastructures."
"Très clairement, on a énormément de retard en terme d’adaptation, parce qu’on a considéré que ces évènements étaient exceptionnels et donc ne nécessitaient d’investissements, de réponses structurelles, déplore François Gémenne. Là, on est dos au mur. On vote un peu dans l’urgence 50 millions d’euros de crédits pour aider les municipalités à végétaliser. On est toujours en train de réagir aux évènements, alors que la clé de l’adaptation, c’est l’anticipation."
"On ne se débarrassera pas du changement climatique"
Il est donc urgent de prendre conscience des bouleversements à venir. "Chaque action va compter, chaque tonne de CO2 va compter, explique le spécialiste du climat. On ne se débarrassera pas du changement climatique, on ne reviendra pas en arrière et il est irréversible." François Gémenne est d’ailleurs "contre le concept de transition (écologique)". "Ça donne aux gens l’idée qu’il va y avoir un mouvement spontané, naturel, au terme duquel tout le monde sera gagnant. Mais ça ne sera ni spontané, ni naturel, et ça va être une vraie transformation, prévient-il. Il va falloir demander une action radicale des pouvoirs publics, qui va avoir un coût aussi. Ça n’aura rien de naturel et ça ne se fait pas du jour au lendemain."
"Ce sont les plus vulnérables qui subissent de plein fouet"
Face au changement climatique, l’un des enjeux pour les pouvoirs publics sera aussi d’aider les ménages les plus défavorisés. "Pour le moment, on subit de plein fouet et ce sont les plus vulnérables qui subissent de plein fouet, pointe François Gémenne. Les plus pauvres sont les plus exposés, ils vont devoir déménager peut-être, ils n’ont pas les moyens de mieux isoler… Tout cela va demander des investissements, pour le logement, les routes, la SNCF… On a toujours tendance à attendre le dernier moment. On met des emplâtres sur des jambes de bois." Et pour le co-auteur du dernier rapport du Giec, "il ne faut pas non plus trop attendre des gouvernements". "Il y a énormément de choses qui peuvent se faire au niveau des collectivités et des entreprises", assure-t-il. Alors, au boulot?