Oiseaux protégés: la justice ordonne l'arrêt temporaire du parc éolien d'Aumelas dans l'Hérault

Un circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus) vole à côté des éoliennes d'un parc éolien à Aumelas, à l'ouest de Montpellier, le 12 mars 2025. - GABRIEL BOUYS / AFP
Dans une décision inédite, le tribunal de Montpellier a ordonné lundi l'arrêt des 31 éoliennes du parc d'Aumelas (Hérault) pendant quatre mois, soit la période de présence sur le site du faucon crécerellette, et infligé de lourdes amendes à la société EDF Renouvelables et ses filiales, jugées responsables de la mort de 160 oiseaux d'espèces protégées.
Jusqu'à son départ pour l'Afrique à la fin de l'été, ce petit rapace classé sur la liste rouge des espèces menacées pourra évoluer sans risquer d'être percuté par une pale d'éolienne sur le Causse d'Aumelas, un plateau de garrigue pratiquement désert dominant la Méditerranée, à une vingtaine de kilomètres de Montpellier, où il vient nicher chaque année.
Des éoliennes qui ont causé la mort de 160 espèces protégées
"Il n'y aura pas de nouvelle mortalité" en 2025, s'est réjoui Simon Popy, président de France Nature Environnement (FNE) Occitanie-Méditerranée, l'association à l'origine d'une plainte en 2022 contre EDF Renouvelables et neuf de ses filiales.
Après quatre mois de délibéré, le tribunal a ordonné la suspension temporaire, avec exécution provisoire, de l'activité du parc, où vivent également des busards cendrés et des chauves-souris. Selon le tribunal, ces éoliennes ont causé la mort de 160 individus de ces espèces protégées.
EDF Renouvelables, qui avait plaidé la relaxe pour elle-même et ses neuf filiales, a immédiatement indiqué faire appel de ce jugement, qui représente une première au niveau pénal contre des exploitants d'éoliennes.
"À l'avenir, EDF devrait réfléchir à deux fois avant de relancer l'exploitation", sous peine d'être condamné en récidive, a estimé le juriste de FNE Olivier Gourbinot.
Outre l'arrêt pour quatre mois des éoliennes, le tribunal de Montpellier a ordonné la condamnation de chacune des 10 sociétés à 500.000 euros d'amende (dont 250.000 avec sursis) et celle de l'ex-PDG d'EDF Renouvelables, Bruno Bensasson, à six mois de prison avec sursis et 100.000 euros d'amende (dont 30.000 avec sursis).
Au titre du préjudice moral, les 10 sociétés devront verser un total de 114.000 euros à FNE Occitanie-Méditerranée, la même somme à sa maison-mère, FNE, et 74.087 euros, au titre de réparation du préjudice écologique, au Plan national de sauvegarde du faucon crécerellette.
"Environnement vs environnement"
Dans les grandes lignes, le tribunal a suivi les réquisitions du parquet, qui avait réclamé en décembre 750.000 euros d'amende (dont 500.000 avec sursis) pour chacune des sociétés et six mois de prison avec sursis et 150.000 euros d'amende (dont 100.000 avec sursis) contre M. Bensasson, ainsi qu'une suspension de l'activité du parc éolien.
"Nous pensons que l'éolien fait partie des sources énergétiques indispensables à la transition énergétique, mais qu'il ne faut pas en faire n'importe où", a réagi Simon Popy.
"Les mesures environnementales mises en place ces 20 dernières années ont permis de maîtriser les impacts du parc éolien sur la biodiversité", a répondu dans un communiqué EDF Renouvelables, citant notamment le système de caméras installées sur les mâts et les balises GPS sur 78 faucons crécerellettes. L'entreprise assure aussi avoir constaté "une multiplication par 10 de la population de faucons crécerellettes dans la zone entre 2006, mise en service du premier parc, et 2024, année où 400 couples ont été recensés".
"C'est une situation assez triste de conflit environnement contre environnement,", a réagi auprès de l'AFP l'avocat spécialisé en environnement Arnaud Gossement, estimant que cette question où partisans des énergies renouvelables s'opposent aux défenseurs des espèces protégées devrait être tranchée hors des tribunaux, lors d'un "débat de société".
Dans un dossier similaire, le même tribunal de Montpellier doit rendre mercredi sa décision sur un autre parc de sept éoliennes exploitées à Bernagues, toujours dans l'Hérault, par Energie Renouvelable du Languedoc (ERL), filiale du groupe Valeco, qui doit répondre de la mort du mâle reproducteur d'un couple d'aigles royaux.
Dans le cadre d'une autre procédure, la cour d'appel de Nîmes avait ordonné le 7 décembre 2023 la démolition de ce parc de Bernagues et la remise en état des lieux pour défaut de permis de construire valide. La décision de la Cour de cassation, après le pourvoi d'ERL, est toujours attendue.