RMC
Économie

Normes par milliers, État "boulet": est-ce vraiment "l'enfer" d'investir en France?

placeholder video
Pour les PDG d'EDF et TotalEnergies, investir en France est un "enfer", notamment à cause des procédures et des normes par milliers qui sont un frein à la création dans le domaine des énergies renouvelables. L'impression est partagée par de nombreux Français, des particuliers aux petits patrons.

Pour Luc Rémont, "c'est l'enfer d'investir en France". Le patron d'EDF s'en est pris aux procédures administratives françaises à l'occasion d'un colloque de l'Union française de l'électricité. Selon lui, la lourdeur administrative et la paperasse freinent le développement des énergies renouvelables en France et les procédures "sont un premier frein à la décarbonation".

Présent à ses côtés, le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné estime même que dans ces conditions, il ne peut "pas continuer à investir": "Je ne peux pas avoir autant de personnes qui me coûtent de l'argent pour un rendement aussi faible". Et si rien n'est simplifié, il est prêt à aller voir ailleurs, "vers des pays plus accueillants". "Il y en a un pas très loin, l'Allemagne. Là-bas pour avoir des autorisations, ça va deux fois plus vite", assure-t-il.

"On est capable de rénover Notre-Dame en cinq ans mais on est incapable d'avoir les mêmes procédures pour des usines éoliennes ou solaires en France", peste Patrick Pouyanné.
A vous de nous dire : Investir en France, l’enfer c’est les normes ? - 11/12
A vous de nous dire : Investir en France, l’enfer c’est les normes ? - 11/12
7:07

Le patron d'EDF Luc Rémont renchérit: "C'est l'enfer d'investir en France pour des raisons réglementaires. Le premier frein à la décarbonation, ce sont les procédures".

Plusieurs spécialistes contactés par RMC confirment, rapports à l’appui, que les normes s'amoncellent, mais jugent les menaces des patrons d’EDF et TotalEnergies peu crédibles et utilisées comme prétexte pour obtenir plus d'aides.

"Je comprends les patrons qui s'arrachent les cheveux"

Mais les grands patrons ne sont pas les seuls embêtés. Les Français, au quotidien, doivent remplir des montagnes de papiers, même pour installer des panneaux solaires sur le toit de leur maison. "J'ai voulu en mettre chez moi et on m'a dit qu'il fallait faire une demande à la mairie", se souvient Romaric. "Ensuite, l'architecte des bâtiments de France a refusé parce qu'il y avait le château de la commune qui était classé et ça le gênait. Puis j'ai fait une petite modification et j'ai eu le droit de faire ce que je voulais".

"Je comprends les patrons qui s'arrachent les cheveux", poursuit l'ancien secrétaire de mairie, qui se souvient à l'époque avoir vu défiler de nombreux dossiers pour des parcs photovoltaïques retoqués pour des détails infimes.

"10.000 pages de normes écrites chaque année"

"Quand vous avez 100 normes décrétées aux Etats-Unis, il y en a 400 en Europe et 1.000 en France", déplore Rafik Smati, chef d'entreprise et président du Mouvement Objectif France qui tacle "l'enfer normatif" qui règne. "Il y a 10.000 pages de normes qui sont écrites chaque année".

"Il faut un an aux Etats-Unis pour faire sortir une usine de terre contre cinq en France. La France est le pays du monde où il se créé le plus d'entreprises, mais une grande partie va mourir dans les 10 premières années et celles qui réussissent partent aux Etats-Unis parce qu'on a un Etat Léviathan qui brise les initiatives", alerte Rafik Smati.

L'investissement des entreprises en France en baisse

Les JO 2024 et la reconstruction express de Notre-Dame de Paris, grâce à des lois d'exception, illustrent selon lui tout cet enfer administratif: "L'Etat a pris acte qu'il était un boulet et il a fait passer des lois d'exception pour accélérer les choses parce qu'on a décidé de mettre entre parenthèses le monstre technocratique", conclut-il.

L'investissement des entreprises en France est en baisse de 3% au deuxième semestre, une baisse qui s'accélère. La majorité des économistes et des prévisions de croissances anticipent une stagnation et "une forme d'enfoncement" économique du pays.

Guillaume Dussourt avec Nicolas Traino