Paris face au scénario du pire: Ziad Touat, l’homme qui imagine les inondations de demain

La Tour Eiffel surplombe la Seine en crue à Paris le 26 janvier 2018. - Photo par DENIS MEYER / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Et si Paris se retrouvait sous les eaux? Ce lundi, la capitale teste une simulation grandeur nature d’inondations massives. Derrière ce scénario catastrophe, un homme: Ziad Touat, expert en gestion de crise et créateur d’exercices extrêmes pour préparer la Ville à l’impensable.
Imaginer le pire… pour mieux l’éviter
Sa spécialité: prévoir l’imprévisible. Ziad Touat travaille pour Crisotech, une société experte dans la simulation de crise. Depuis plus de six ans, il imagine des scénarios dignes d’un film catastrophe pour entraîner collectivités et institutions à faire face aux pires situations.
Ce lundi, c’est la Ville de Paris qui fait appel à lui pour tester un scénario de crue historique de la Seine, comparable à celle de 1910, quand le fleuve avait atteint 8,62 mètres au pont d’Austerlitz. Un niveau jamais revu depuis. Les crues de 2016 et 2018 n’en étaient qu’un avant-goût. Mais si la Seine venait à dépasser les 7 mètres, "ce serait de la science-fiction", explique Ziad Touat. Une science-fiction qu’il connaît bien.
Du sang à la géopolitique: le parcours atypique d’un scientifique
Avant de se plonger dans les catastrophes, Ziad Touat était chercheur. Double cursus en poche — biologie et géopolitique —, il a soutenu une thèse en biologie et pharmacologie du sang, avant de passer dix ans dans la recherche, en France, en Belgique et en Australie.
Mais il lui manquait quelque chose : comprendre les dynamiques humaines et politiques derrière les crises. Il reprend alors des études en relations internationales. "Rien n’est jamais gravé", aime-t-il répéter. Et surtout pas le pire.
Anticiper les crises climatiques… et humaines
Pour Paris, ce n’est pas la première fois qu’il met la ville à l’épreuve. Il y a deux ans, il avait déjà imaginé un exercice grandeur nature autour d’un “dôme de chaleur” à plus de 50°C. Cette fois, il a conçu un scénario tout aussi extrême: Mars 2026 - la Seine déborde depuis deux mois. Dans la nuit, le fleuve franchit les 7,10 mètres. Le métro est inondé, l’électricité coupée, des centaines de milliers de personnes doivent être évacuées…
Une soixantaine de participants, dont une classe de CM2, vont incarner des habitants pris dans la crise. L’objectif: tester la réactivité des services publics, de la mairie aux secours. Un véritable film catastrophe grandeur nature, sauf que tout est calculé, anticipé, chronométré.
L’homme qui garde son calme en pleine crise
Ziad Touat ne se limite pas aux scénarios climatiques. Crisotech intervient aussi sur des crises nucléaires, militaires, informatiques ou médiatiques. Lui reste toujours d’un calme exemplaire. Sauf lorsqu’il évoque une anecdote amère: lors d’un exercice d’intrusion dans une entreprise, il devait jouer une scène où il dérobait un ordinateur pour tester la sécurité des données.
Mais le client a refusé qu’il tienne le rôle. Motif: il craignait d’être accusé de racisme… car Ziad Touat est d’origine maghrébine. "Vous faites jouer une scène de vol à un Maghrébin, ça peut être mal perçu", lui a-t-on dit. Une maladresse "bien intentionnée", mais qui l’a marqué. Aujourd’hui, il en sourit. Et continue d’anticiper les crises, avec la même rigueur et la même humanité.
Ziad Touat imagine les catastrophes pour mieux les conjurer. Des crues géantes aux canicules extrêmes, il conçoit des scénarios qui obligent les institutions à penser l’impensable. Parce que, pour lui, se préparer au pire, c’est déjà commencer à l’éviter.