Vidéosurveillance dans les abattoirs: "Ils ne confieront jamais ces vidéos à des gens comme L214"

- - AFP
Jean-Luc Daub, auteur de "Ces bêtes qu’on abat: journal d’un enquêteur dans les abattoirs français (1993-2008)".
"Les caméras, ça ne peut qu’améliorer les choses. Ça va permettre de lutter contre les mauvais traitements, d’augmenter la vigilance aussi, d’empêcher les infractions majeures. Mais il faut en mettre partout, et pas seulement aux postes d’abattage. Sur les quais de déchargement aussi, à l’arrivée des camions. Là, il se passe aussi des choses insupportables pour les animaux.
Prenez l’exemple des cochons, qui représentent la majorité de l’élevage industriel: ces bêtes-là n’ont jamais beaucoup marché. Elles se retrouvent en équilibre dans un camion après des heures de trajet, se font décharger alors qu’il faut que ça aille vite… Il y a des ratés, certains tombent, se blessent et ne peuvent plus marcher, et c’est intéressant de voir comment on les prend en charge.
"Ce n’est pas de la faute du salarié si le matériel est obsolète"
Mais il ne faut surtout pas que cela serve à fliquer les salariés, sauf s’il y a des mauvais traitements évidemment. Ce n’est pas de la faute du salarié si le matériel est obsolète. Quand on est un seul à un poste de saignée, que le cochon sort sur un tapis roulant après avoir été étourdi, automatiquement, certains animaux se réveillent. Alors, on prend sa pince, on étourdit de nouveau…
Les conditions de travail sont très difficiles, même si elles ne justifient pas les actes de cruauté. Moi je travaille désormais avec des personnes lourdement handicapées, parfois c’est très difficile parce qu’on est restreint en personnel, ce n’est pas pour ça que je me mets à taper les gens. Par ailleurs, la vidéo n’aura pas d’influence sur la conformité du matériel. Ça c’est au service vétérinaire de le vérifier. La pince électrique est entretenue? Le courant est-il assez fort? Il faut un travail de contrôle en permanence.
"Si on en est arrivé là, c’est qu’il y avait une carence"
Dans la proposition de loi, il est écrit que seuls les services vétérinaires et la direction de l’établissement auront accès aux images. Ça ne va pas du tout. Ce sont les ONG qui ont mis à jour les problèmes dans les abattoirs. Mais ils ne confieront jamais ces vidéos à des associations comme L214. Alors que ça n’a pas de sens si ce sont ceux qui étaient déjà dans les abattoirs qui contrôlent ces vidéos. Ce sont les responsables d’établissement qui sont en charge, ce sont les services vétérinaires qui ont le pouvoir de contrôle. Et si on en est arrivé là, c’est qu’il y avait une carence.
On ne veut pas montrer ce qui se passe dans les abattoirs, même si c’est fait dans le respect de la loi. Le fait d’abattre des animaux, est-ce que les consommateurs ont vraiment envie de voir ça? Je ne pense pas. Mais au final, ce qui est bien, c’est qu’il y a un débat dans la société, chez les politiques, chez les professionnels. Ça dérange beaucoup, mais c’était nécessaire. Il y a une prise de conscience, et si ça traîne encore ici et là, ça ne s’arrêtera pas".