Des témoignages fous sur les crèches privées: "Ils étaient huit, il n'y avait que cinq repas"

Les crèches privées sont de nouveau dans l'oeil du cyclone. Un nouveau livre-enquête de Victor Castanet à paraître ce mercredi est craint comme un "ouragan" par certains groupes privés, dont la course au profit, au détriment de la qualité de l'accueil, a déjà été reprochée dans le passé. Car les témoignages de maltraitances qui avaient choqué l'opinion publique en 2023 semblent toujours d'actualité aujourd'hui.
"Le résultat est catastrophique"
La commune de Romain, chef d'entreprise de 34 ans vivant dans les Bouches-du-Rhône, a par exemple tenté l'expérience de livrer la crèche municipale locale dans le giron du privé. En voyant les expériences peu concluantes des communes situées aux alentours, Romain estimait que la sienne avait "tout à y perdre et rien à gagner" d'un tel changement. "Malheureusement, on n'a pas été entendus", regrette cet élu municipal opposé au basculement du public au privé pour la structure.
L'avenir a ainsi donné raison à Romain. "Les parents nous remontent aujourd'hui de grosses problématiques rencontrées dans cette crèche privée. Une partie des agents qui travaillaient dans la crèche municipale a été reprise par la crèche privée, sous les mêmes conditions, qui n'étaient pas mirobolantes. Malgré cela, la pression est forte sur ces agents. On leur dit qu'ils reviennent trop cher par rapport à ce qu'aimerait, en termes de gestion, la crèche privée", narre-t-il.
La pression est telle qu'une partie des agents est aujourd'hui en arrêt maladie prolongé.
"A l'époque, il y avait une confiance avec des agents et des directeurs présents au quotidien. Aujourd'hui, la crèche a ouvert il y a tout juste un an, et on est déjà à trois directrices différentes, des agents qui changent tous les matins, des agents qui doivent acheter des yaourts à la supérette d'à côté car ils ne recevaient pas la nourriture.
"Cela créé un turnover que la petite enfance ne doit pas connaître", juge-t-il.
Cinq repas pour huit enfants pour faire des économies
Et dans le pire des cas, ces pressions peuvent conduire à des maltraitances. C'est l'expérience terrible qu'a vécue Doris, 45 ans, avec sa fille. Elle s'est aperçue avec d'autres parents que leurs enfants étaient étonnamment affamés en sortant de leur crèche, située à Vitrolles (Bouches-du-Rhône), chaque jour.
Après avoir rencontré plusieurs fois la direction pour avoir des explications, des problèmes de quantités, de fournisseurs avaient été avancés. Ce qui n'a pas forcément convaincu une autre mère de famille, qui s'est décidée à faire une visite surprise.
"Finalement, on a appris que c'était bien la directrice elle-même qui réduisait les repas: s'ils étaient huit à table, il n'y avait que cinq repas", témoigne-t-elle dans Apolline Matin.
Une procédure judiciaire est en cours, après un dépôt de plainte il y a un an et demi dans cette affaire évoquée dans le livre Le prix du berceau (éd. Seuil, sorti en 2023). Mais rien ne semble avancer assez vite pour cette mère de famille.