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"La guerre contre les smartphones au collège, ridicule et perdue d’avance": l’avis tranché d’Arthur Chevallier

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Une "pause numérique", soit l’obligation pour les élèves de déposer les smartphones dans des casiers avant d’aller en cours, est expérimentée dans 200 collèges à la rentrée et la mesure est vouée à se généraliser en 2025. Pour Arthur Chevallier, écrivain et éditeur, cette guerre contre les écrans est ridicule, et surtout elle est perdue d’avance. C’est son avis tranché ce vendredi dans "Apolline Matin", sur RMC.

Nicole Belloubet, la ministre de l’Education nationale démissionnaire, a annoncé l’expérimentation de l’interdiction des téléphones portables dans 200 collèges à la rentrée, avec une possible généralisation de la mesure en 2025. Mais cette guerre perpétuelle contre les smartphones n’est pas justifiée. Elle est même ridicule, et surtout perdue d’avance. Les arguments contre les smartphones et les tablettes sont les même que ceux qu’on utilisait contre la lecture ou le théâtre jusqu’au 19e siècle. A l’époque, certains considéraient même ces activités comme un monde virtuel. Rien, strictement rien, n’a changé: lire, ça n’était pas bien car les livres, ça n’était pas la vraie vie. La vraie vie, c’était travailler, souffrir et s’ennuyer. Pire, les livres pouvaient contenir des propos dangereux ou immoraux. Et comme par hasard, quel est le premier reproche fait aux smartphones, un reproche d’ordre moral: diffuser la pornographie. Comme si internet avait inventé les films porno.

Enfin, les téléphones portables donnent accès à des contenus qui ne sont pas forcément pour tous les publics, exactement comme les livres. Et il y a probablement, dans une bibliothèque, autant de livres au contenu dangereux, idiot ou immoral que dans un smartphone. Le tout est de savoir les choisir, c’est là-dessus qu’il faut travailler. Et d’ailleurs, les smartphones sont aussi des bibliothèques gigantesques. Imaginez que, dans sa poche, un adolescent dispose de la plus grande base de données du monde. Comment lui reprocher de passer du temps dessus? Pourquoi partir du principe qu’il en fait un usage stupide? On n’a jamais autant lu qu’avec les smartphones. Seulement, on lit différemment. On passe d’un texte à l’autre, avec une attention brève et sélective, certes, mais on lit quand même.

L'avis Tranché : Interdire les écrans à l'école, un combat perdu d'avance - 30/08
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Intégrer les écrans à la pédagogie

Peut-on tout de même comprendre qu’on les interdise dans des collèges et les lycées? Oui, et on peut aussi passer sa vie à combattre des moulins à vent… Bien au contraire, il faut les intégrer à la pédagogie. Les adolescents passent leur vie devant des écrans, c’est le format qui leur est le plus naturel pour lire, apprendre et même se concentrer. Pourquoi les forcer à utiliser des livres, des stylos et des feuilles A4? Ni la littérature, ni la science, ni la connaissance ne sont nées avec les livres. Les formats évoluent, ça n’a rien de choquant. Et personne ne dit que les livres doivent disparaître. Tant qu’on y est, pourquoi ne pas forcer les élèves à travailler à partir des papyrus? Est-ce que ça réglerait tous les problèmes? Du jour au lendemain, ils arrêteraient de penser au sexe, se mettraient à lire Shakespeare, cesseraient de bavarder et de harceler leurs camarades peut-être? Franchement, on en doute.

C’est une mesure par avance inefficace. Si le ministère de l’Education nationale veut passer pour le schtroumpf grognon, grand bien lui fasse. Les élèves essayeront de contourner la règle, et se jetteront de toute façon sur leur portable une fois sortis du collège. L’école devrait s’adapter à la réalité, et pas la combattre, en intégrant, par exemple, l’utilisation des tablettes, des smartphones et même de l’intelligence artificielle dans les cours. Est-ce qu’on connaît une seule innovation technologique, dans l’histoire de l’humanité, qui a disparu parce qu’on l’a interdite? Pas la moindre. On a l’impression de lutter contre les méfaits de la technologie mais on lutte en réalité contre la vie. Et tout ce qui vit, hélas, change.

Arthur Chevallier