Laïcité: "L'école n'est pas un supermarché où on ne choisit que ce qu'on veut", dénonce un prof

Des chiffres inquiétants ou rassurants? Les signalements d'atteintes à la laïcité à l'école ont explosé en septembre et octobre 2023 dans un contexte national et international tendu. Attentat visant un prof à Arras, conflit israélo-palestinien, interdiction du port de l'abaya à la rentrée... Les sujets de société se sont invités dans les classes, au détriment de la laïcité.
En septembre, 1.034 "faits d'atteinte au principe de laïcité" ont été recensés, soit une hausse de 40% par rapport à juin 2023, dernier mois d'école avant les vacances d'été. En octobre, c'était même 1.812 signalements enregistrés, en hausse de 75% par rapport à septembre, notamment en raison des circonstances particulières de l'assassinat de Dominique Bernard. 11% de ces signalements relevaient du port de signes et tenues religieux. 21% relevaient de provocations verbales ou encore 20% du refus des valeurs républicaines.
Si les choses se sont relativement calmées en novembre, ces contestations "s'étendent", confirme Iannis Roder, professeur d'histoire-géographie dans un collège de Seine-Saint-Denis.
"Les études montrent que l'on va vers une augmentation régulière de ces contestations et on a une augmentation de l'autocensure des enseignants qui se sentent en insécurité face à contestations", explique-t-il ce vendredi sur RMC.
Malgré ces sombres perspectives, le ministre de l'Education Gabriel Attal tente de voir du positif dans cette séquence et salue "une vraie libération des signalements". "Quand il y a un problème, on le dit enfin, et tout remonte", assure-t-il dans un communiqué de l'Education nationale évoquant ces chiffres jeudi.
L'intrusion des parents particulièrement inquiétante
Toutefois, Iannis Roder s'inquiète particulièrement d'une autre libération: celle de la contestation -et parfois de la violence- des parents d'élèves, qui peut amener à des catastrophes comme on a pu le voir lors de l'assassinat de Samuel Paty.
"Que des enfants contestent, l'école est là pour remédier à cela", relativise-t-il. "Mais le plus grave, ce sont les parents derrière qui remettent en cause ce qu'est la mission de l'école de la République, c'est-à-dire ouvrir les enfants sur le monde et leur permettre d'accéder à l'émancipation".
"Certains parents refusent la possibilité offerte de l'émancipation. Or, c'est le rôle de la République", juge ce professeur.
"Que les parents ne reviennent pas derrière contester ce que dit le prof, qui relève des programmes. Et le programme, c'est la loi", plaide-t-il. "L'école n'est pas le supermarché des sensibilités, c'est-à-dire qu'on ne prendrait que ce que l'on veut. Tout le monde prend la même chose et c'est basé sur la science, ce qui est démontrable et donc a priori acceptable par tous", conclut-il.