Hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard: "Il est évident que les professeurs ont peur"

Une minute de silence respectée ce lundi dans tous les collèges et lycées de France. Un moment d'hommage aux professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard, assassinés respectivement le 16 octobre 2020 et le 13 octobre 2023 par des jeunes islamistes radicalisés.
Une minute de silence, suivie, si les enseignants le souhaitent d’un temps d’échange. L'année dernière, 357 incidents ont été recensés pendant ces hommages sur 10.700 établissements. Et ça crée une certaine inquiétude chez les enseignants. Notamment dans les établissements où les professeurs se sentent isolés.
“Nous n’avons reçu aucune directive de la part de notre établissement. Je suis extrêmement déçue”, regrette Bénédicte, professeur d'espagnol à Paris. Elle organisera un petit débat dans sa classe, mais aurait souhaité avoir le soutien de sa direction.
“Il est évident que les professeurs ont peur. On sait très bien qu’il y a des remontées d’atteintes à la laïcité”, déplore-t-elle.
À l'inverse, dans le collège dirigé par François Marceau à Saint-Etienne, un texte a été rédigé en commun pour introduire la minute de silence, puis un temps en classe est organisé, au choix des professeurs. “Je précise bien que s’ils ne se sentent pas à l’aise, ils peuvent nous demander de l’aide en amont pour qu’on puisse les accompagner pour pouvoir éventuellement être deux en faisant venir un personnel de vie scolaire par exemple”, détaille François Marceau.
Des débats plutôt que des minutes de silence?
D'autres établissements ont réfléchi aussi aux réactions à avoir en cas d'incidents, comme à Lille, dans le lycée où enseigne Catherine Bodet.
“Ce que nous dit notre chef d’établissement, c’est: ‘il peut y avoir des réactions négatives, ne dites rien sur le coup, c’est simplement après que vous pourrez en parler avec l’élève’. C’est-à-dire qu’on ne va pas attiser pendant le moment des discussions qui pourraient amener à de l’énervement en classe”, explique-t-elle.
Et pour clore cet hommage, l'enseignante prévoit ensuite d'ouvrir le débat en classe sur la liberté d'expression.
Tous les élèves de France ne la feront pas en même temps, car chaque établissement peut choisir l’heure de sa minute de silence. Rare sont ceux qui réunissent tous les élèves dans la cour, la plupart préfèrent que chaque élève soit debout dans sa classe, face à un professeur. “Moins de risque que certains fassent les petits malins”, confie un chef d’établissement.
“On va d’abord prendre 5 minutes pour leur expliquer, car les 6e n’avaient que 7 ans quand Samuel Paty a été assassiné”, ajoute-t-il. Puis certains liront un texte, d'autres diffuseront une chanson et puis enfin, une minute de silence. Mais pas partout. “La laïcité n’a pas besoin de silence, elle a besoin de pédagogie” dénonce une professeure qui a opté pour deux heures d’échange sur la liberté d’expression et la laïcité. “Une minute de silence, ça ne sert à rien” ajoute une autre enseignante. À rien, sauf à devoir “décompter le nombre d’élèves qui vont la perturber” regrette un chef d’établissement.