RMC
Société

"Il y a un peuple premier": pourquoi Jean Viard fait "le parallèle" entre les émeutes en Nouvelle-Calédonie et dans les quartiers

placeholder video
Invité d’Apolline Matin ce lundi sur RMC et RMC Story, le sociologue Jean Viard voit des points communs entre les émeutes en Nouvelle-Calédonie ces derniers jours et dans les quartiers de métropole l’été dernier.

"A chaque génération, il y a révolte, comme dans nos quartiers". Le sociologue Jean Viard, auteur de l’ouvrage Une émeute est le langage de ceux qui ne sont pas entendus (L'aube), fait "le parallèle" entre les évènements violents qui secouent la semaine Nouvelle-Calédonie depuis la semaine dernière et l’embrasement dans les quartiers de métropole l’été dernier, à la suite de la mort du jeune Nahel. "Au fond, le problème, c’est que la République ne sait pas penser les peuples premiers, explique dans Apolline Matin ce lundi sur RMC et RMC Story. Les Kanaks, c’est un peuple premier. Si on était au Canada, c’est comme ça qu’on dirait. Et on leur donnerait des droits politiques, économiques… Il y a un peuple premier. A un moment, il faut le reconnaître et lui donner un statut. C’est pour ça que je fais le parallèle avec les quartiers."

"Les émeutes de l’été dernier, c’étaient des jeunes dont les parents venaient des colonies, ajoute Jean Viard. Un jeune sur cinq qui naît en France a des parents qui étaient au Maroc, en Algérie, au Mali… On a une jeunesse qui est, pour un cinquième à peu près, issue de l’empire colonial. C’est pour ça que je fais le parallèle. On dit un homme, une voix. C’est une très belle idée universelle, mais ça peut aussi intégrer l’histoire des minorités, des communautés. Sinon, on ne s’en sortira jamais."

L'invité du jour : Jean Viard - 20/05
L'invité du jour : Jean Viard - 20/05
9:43

"La décolonisation est le cœur des préoccupations de la jeunesse"

Pour Jean Viard, le gouvernement "doit évidemment reporter" le projet de réforme du corps électoral, dont l’adoption à l’Assemblée nationale la semaine dernière a été le prélude aux émeutes. Car le sujet de la décolonisation est très sensible. "Comment vous voulez résoudre une question coloniale qui a deux siècles en donnant dix jours aux gens pour négocier? Ce n’est pas raisonnable", estime-t-il.

"Il faut faire très attention, souligne le sociologue. On est dans une époque où la décolonisation est le cœur des préoccupations de la jeunesse. On le voit bien avec la question palestinienne. Je suis d’une génération où on était imprégné du drame de la Shoah. La jeunesse aujourd’hui, elle est imprégnée du drame de la décolonisation, sous l’influence notamment de la jeunesse américaine. Tout ça va se rassembler. Il faut se dire effectivement qu’on va créer un statut des peuples premiers, qu’on va accepter qu’un jeune sur cinq en France descend des colonies, que l’islam est la deuxième religion du pays et qu’elle a autant de pratiquants…"

"Il faut se demander quel est l’avenir des jeunes de nos quartiers, poursuit Jean Viard. En France, une grosse moitié s’intègre tout à fait normalement. On voit des jeunes d’origine immigrée autour de nous, partout. Et une autre partie, non. Il faut se dire qu’on a là une ressource une production de jeunesse, y compris des biculturels qui peuvent développer des entreprises." Pour la Nouvelle-Calédonie, il appelle à "inventer des modèles démocratiques, en disant qu’on est dans notre règle universelle mais qu’il y a des exceptions liées au poids de la décolonisation dans le corps de l’identité nationale". "A chaque fois, on crée des conflits. Ce qui est terrible, c’est que c’était prévisible. On ne peut pas effacer le poids de la colonie dans l’histoire nationale. Ce n’est pas possible".

"On observe tous que ça ne marche pas, dans les banlieues et en Nouvelle-Calédonie, conclut le sociologue. Il y a une place pour l’altérité à reconnaître, comment on intègre les minorités." Avec un pressentiment: "Si le lien se fait dans les facs entre kanaks et palestiniens, ça va être très difficile".

LP