Etudiante et précaire, je suis chanceuse si je peux me faire deux repas par jour

Un centre de la Croix-Rouge à Tours en décembre 2016. - AFP
Camille habite dans le Rhône. Etudiante en Lettres modernes et art du spectacle-théâtre, elle a dû arrêter ses études, ne parvenant plus à les financer. Elle est à la recherche d'un emploi.
"J'ai arrêté mes études en cours d'année. J'avais du mal à allier études et emploi pour les financer et pour vivre, tout simplement. Quand j'étais à l'université, je ne pensais qu'à une chose: comment j'allais payer ma facture EDF, comment j'allais payer les prochaines courses? Je passais mon temps à calculer, et je n'avais n'a pas le temps de penser aux études. J'étais en option théâtre et je devais aller voir des spectacles, sauf que je ne pouvais pas les payer. Même chose pour l'achat des livres: j'en ai eu pour 180 euros cette année.
"Avec 50 euros pour finir le mois, on ne vit pas, on survit"
Pour payer mes études et pour vivre, je faisais des jobs de serveuses, ou alors je travaillais dans les services de traiteurs. C'est payé au Smic, et il n'y a pas de majoration même si on fait des horaires de nuit. Souvent les heures supplémentaires ne sont même pas payées. Je m'en sortais avec 430 euros par mois, 500 les bons mois. Maintenant que je suis au chômage, mon indemnisation Assedic est calculée sur ces jobs étudiants et je ne gagne quasiment rien. Le temps que ma demande soit prise en compte, je suis même restée trois mois avec seulement 230 euros par mois pour vivre.
Aujourd'hui je touche à peu près 500 euros, mais je paie 250 euros de loyer. Quand j'enlève EDF, Internet, l'eau, le téléphone, il me reste plus qu'une cinquantaine d'euros environ pour finir le mois. Si je n'étais pas en couple je n'arriverais pas à vivre.
"On n'a pas l'impression de vivre, mais de survivre"
Du coup on rogne sur toutes les dépenses, notamment les repas. Si on est chanceux on peut se faire deux repas par jour, sinon le plus souvent c'est un repas par jour. Un bon gros repas le midi, avec une grosse plâtrée de pâtes. Parfois on se fait plaisir: une fois par semaine on s'achète une grosse pièce de bœuf, sinon le reste du temps c'est pâtes, les légumes les moins chers et de saison. On se débrouille, quoi. On n'a pas l'impression de vivre, mais de survivre. J'espère que ce n'est que temporaire et qu'à un moment ça va se débloquer. On se fait une raison en se disant que c'est juste une période difficile et que ça ira mieux après.
Aujourd'hui quand je vais à Pôle Emploi, on me dit que c'est compliqué de trouver un job dans le domaine de la culture, alors on me fait postuler dans la restauration parce que j'ai une forte expérience et que c'est là qu'on recherche du personnel. Du coup, mes études n'ont pas servi à grand-chose. J'avais réussi à trouver un emploi dans un musée, mais c'était en tant qu'intervenante, une fois de temps en temps. Sauf qu'on ne peut pas vivre juste 'de temps en temps'."
Précarité des jeunes: la Croix-Rouge tire le signal d'alarme
Selon l’enquête de la Croix-Rouge française, la part des moins de 25 ans dans les bénéficiaires des points de distribution alimentaire est passée de 11,9 %, en 2015, à 13,05 %, en 2016. En moyenne, un étudiant n’a plus que 85 euros par mois pour vivre après avoir payé ses charges.
Rien qu’à Paris, 13.000 étudiants ont indiqué sauter régulièrement des repas, jusqu’à 6 par semaine, faute de moyen suffisant pour se payer à manger. 55 % de jeunes ont dû renoncer à des soins, selon l'association, faute de ressources financières suffisantes pour 48 % d’entre eux.