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Santé

Grève des infirmiers: "on passe nos nuits à courir, à s'épuiser pour une reconnaissance quasi-nulle"

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Manque d'effectifs, journées harassantes, médicaments périmés... Les infirmiers et infirmières ont appelé à une grève nationale, ce mardi, pour dénoncer les conditions de travail. L'an passé, cinq d'entre eux se sont suicidés.

Rachelle (le prénom a été modifié) est infirmière de nuit en oncologie. Elle travaille depuis vingt ans à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille. A RMC.fr, elle confie son épuisement mais aussi les risques qu'encourent les patients à cause d'un manque d'effectifs:

"Aujourd'hui, quand on travaille dans un hôpital public comme infirmière, on n'a pas les moyens de bien faire son travail. Dans mon service, nous avons 25 malades pour trois infirmières. Et encore, on est plus nombreuses parce que je travaille en oncologie [traitement des cancers, ndlr].

"Pour sauver le patient, c'est la seule solution"

La nuit le travail est épuisant, harassant... Toutes les chimiothérapies sont, en effet, changées la nuit, à heure fixe. Vu le nombre de patients, c'est vraiment très difficile de bien faire notre travail à trois. C'est très stressant parce que souvent les chimios sonnent en même temps. Et avec les préparations quand nous arrivons... On ne s'en sort pas. En plus, la nuit, nous devons faire les transfusions sanguines.

Et à tout cela, s'ajoute les malades qui sonnent parce qu’ils ont mal, parce qu'ils sont angoissés et les familles affolées qui viennent nous voir. Ce sont d'ailleurs elles qui nous préviennent la plupart du temps quand il y a une urgence vitale. On passe nos nuits à courir, à s'épuiser pour une reconnaissance quasi-nulle... 

Le mois dernier, par exemple, on a appelé quatre fois le SAMU. Des patients ont fait des arrêts respiratoires. On les branche, on fait tout ce que l'on peut mais arrive un moment où les urgences s'accumulent et pour sauver le patient, c'est la seule solution. Une fois sur place, c'est le SAMU qui prend le relais. Qui fait les massages cardiaques et conduit les patients en réanimation quand c'est nécessaire. 

Quant aux médecins de garde, la plupart du temps, ils sont déjà débordés aux urgences et ne peuvent se déplacer dans les services.

"C'est très grave parce qu'un pronostic vital dépend de toi"

Une fois, j'ai fait un massage cardiaque parce que l'appareil de réanimation, le défibrillateur semi-automatique (DSA), était en panne. Une autre fois, on avait de la trinitrine périmée [médicament d'urgence cardiaque, ndlr] parce que le chariot de réanimation n’a pas pu être vérifié en raison du manque de personnel.

Alors oui, aujourd'hui, les infirmières sont angoissées, épuisées, à bout. On ne peut pas tout faire. C'est impossible de faire les gestes d’urgence sur plusieurs patients en même temps. Donc on est obligé de faire des choix parce que l’on est pas assez nombreuses. Et c'est très grave parce que l'on parle d'un pronostic vital.

La seule chose qui nous permet de tenir c'est l'esprit d’équipe. Mais, avec la volonté de l’hôpital de nous faire tourner dans plusieurs services… Ils détruisent un peu ce dynamisme de groupe. Résultat, épuisés, beaucoup font des burn-out ou sont en arrêt maladie prolongé. Ce métier je l'ai choisi et aujourd'hui je suis écœurée. Vingt ans de travail, pas une seule reconnaissance de la direction et toujours plus de travail." 

Propos recueillis par Elodie Hervé