RMC

Vers la fin des mutuelles? Ce qu'il faut savoir du projet de "Grande sécu", soutenu par Olivier Véran

Les complémentaires santé privées pourraient bien vivre leurs derniers jours. Les membres du Haut conseil sur l'avenir de l'assurance maladie vont étudier un rapport soutenu par Olivier Véran, qui prévoit la création d'une "Grande sécu", pour prendre en charge tous les remboursements de santé, au détriment des mutuelles.

La "Grande sécu" passe son grand oral. Les membres du Haut conseil sur l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam) vont étudier dès ce jeudi un rapport qui veut révolutionner le système de sécurité sociale français. Ce rapport propose la création d'une grande sécurité sociale, qui prendrait en charge tous les remboursements, au détriment des mutuelles. Car le système de santé actuel repose sur deux niveaux de remboursement: la sécurité sociale, qui bénéficie à tous, et les mutuelles privées. Le projet "Grande Sécu" prévoit donc de simplifier ce système et de faire de l'assurance maladie l'unique payeur. La "Grande sécu" couvrirait à 100% tous les soins.

L'objectif d'une telle réforme serait de rendre le système plus égalitaire. Le ministre de la Santé, Olivier Véran y est favorable. Il reproche aux mutuelles des frais de gestion disproportionnés et pointe les difficultés qu’ont les plus modestes et les retraités à obtenir une complémentaire. Les complémentaires santé devraient alors se repositionner sur la couverture des éléments de confort, comme une chambre individuelle à l'hôpital par exemple. Selon ses défenseurs, cette "Grande sécu", assurerait à tous les Français le même accès à une couverture santé:

"Aujourd'hui, le système est incompréhensible. On ne sait pas combien on va payer, ce que va nous prendre en charge notre assurance complémentaire, ce qu'il va nous rester à payer. Cette complémentaire, est aujourd'hui payée en partie par l'employeur, encore faut-il en avoir un. Et quand on part à la retraite, c'est la croix et la bannière pour avoir une mutuelle", déplore Christian Prudhomme, représentant CGT du Haut conseil sur l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam)".
"Je pense que la majorité des Français est pour simplifier un système et cela permet de simplifier les frais de gestion avec une double facture et un double paiement. Cela serait plus simple d'avoir un seul interlocuteur", défend-t-il.

>> A LIRE AUSSI - "Mon contact travaille à la Sécurité sociale": sur Snapchat, le boom des annonces pour des faux pass sanitaires 

Quid des mutuelles et de leur salariés ?

"Les frais de gestion des mutuelles aujourd'hui, c'est 8 milliards d'euros que l'on paye dans ses cotisations et que l'on ne récupère pas dans les remboursements. C'est tout ça que l'on pourrait économiser", renchérit ce jeudi sur RMC Jean-Charles Simon, économiste et président de Stacian, un institut d'études économiques et de statistiques, qui précise que ces frais ont augmenté de 50% en dix ans. "La "Grande sécu", ce serait surtout un gain pour les inactifs, notamment les retraités, qui gagneraient beaucoup en pouvoir d'achat", ajoute-t-il, estimant que les actifs ne verraient pas particulièrement la différence. Si seuls 4% des Français soit 3 millions de personnes environ, n'ont pas de mutuelle, beaucoup restent couverts par des complémentaires santé d'entrée de gamme peu efficaces.

A contrario du côté des opposants, on estime que le projet ne permettra pas de faire beaucoup d'économies: "C'est une évolution qui n'est pas souhaitable et qui à la fin, ne coûtera pas forcément moins cher", tacle Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), un think tank libéral, et farouchement opposée au projet:

"Faire des économies sur les coûts de gestion, ça va forcément dans le bon sens mais on n'est pas obligé de le faire en faisant une 'grosse sécu' étatisée. On sait très bien que la logique de cette proposition, elle est plus pour économiser les coûts de gestion que pour créer de l'égalité. Ceux qui payent beaucoup aujourd'hui pour avoir des meilleures complémentaires, vont se retrouver demain à continuer à payer beaucoup pour avoir beaucoup moins bien en terme de remboursement", craint-elle.

Reste à trancher plusieurs questions. Et pas des moindres: Comment serait financée cette "Grande Sécu" ? En augmentant les cotisations ? Autre interrogation: le devenir des salariés des quelques 400 organismes qui exercent l'activité de complémentaires santé.

>> A LIRE AUSSI - "Pourquoi a-t-on plus de 75 millions d'assurés sociaux pour 67 millions d'habitants?": un magistrat dénonce la fraude aux prestations sociales

Marie Régnier avec Guillaume Dussourt