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A quoi va servir la conférence internationale sur l’État islamique?

Pour le chercheur Pierre-Jean Luizard, il est urgent de consulter les Irakiens sur leur désir, continuer à vivre en Irak ou quitter l’Etat.

Pour le chercheur Pierre-Jean Luizard, il est urgent de consulter les Irakiens sur leur désir, continuer à vivre en Irak ou quitter l’Etat. - Safin Hamed

Après la décapitation ce dimanche d’un troisième otage par l’Etat islamique, Pierre-Jean Luizard, chercheur au CNRS, nous éclaire sur l’ouverture ce lundi de la conférence de Paris sur la sécurité en Irak, et sur ses enjeux.

L'Etat islamique a revendiqué ce dimanche la décapitation d'un nouvel otage, le travailleur humanitaire britannique David Haines, et la vidéo a été authentifiée. Ce nouveau drame s’est déroulé la veille de la conférence pour la paix et la sécurité en Irak, qui s'ouvre à Paris ce lundi.

Aux côtés de François Hollande et de son homologue irakien, les représentants d'une vingtaine d'Etats se réunissent dans la capitale française pour permettre de définir le rôle de chacun dans la coalition internationale voulue par Washington pour "détruire" l'Etat islamique.

Invité ce lundi matin dans Bourdin Direct, le spécialiste de l’Irak Pierre-Jean Luizard, chercheur au CNRS, a exprimé ses craintes d’une intervention militaire sans réelle solution politique.

"Pas de solution sans implication des pays voisins"

En premier lieu, l’absence de l’Iran à la conférence apparaît problématique : "Il n’y aura pas de solution à la crise très profonde que traverse l’Irak sans une implication des pays voisins, dont l’Iran" a-t-il expliqué, ajoutant que "gagner une guerre uniquement avec des frappes aériennes" n’est "qu’illusion". Pour le chercheur : "l’Etat Islamique en Irak n’a pas pu gagner sa position sans soutien important au sein de la population arabe sunnite du pays. Or, le paradoxe est que l’on s’adresse aux Kurdes et au gouvernement irakien, les premiers à avoir poussé l’Etat irakien dans la division profonde."

"Une remise en cause des institutions irakiennes"

Il y a selon lui urgence à envoyer un message aux Arabes sunnites, pour leur dire que les grandes puissances sont prêtes à écouter leurs doléances, et non les combattre, "ce qui nous ferait apparaître comme engagés dans une croisade contre les musulmans." C’est en effet la stratégie de l’Etat islamique, qui tendrait un "piège" aux pays occidentaux : "Je crains que ces exécutions barbares à répétition ne soient un élément du piège pour nous pousser dans une campagne militaire sans but politique."

En outre, le chercheur préconise une remise en cause des institutions irakiennes mises en place lors de la Constitution de 2005. "Il faudrait une conférence internationale sous l’égide de l’ONU, accompagnée par une occupation au sol, mais les Irakiens, quelle que soit leur communauté, doivent être consultés sur leur désir, continuer à vivre en Irak ou quitter l’Etat et pour quelle entité ? Des questions déjà posées en 1918 mais qui n’avaient mené à rien."

C.B.