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Abdul et Afirullah, Afghans, interprètes de l'armée française, menacés de mort par les talibans

Des interprètes afghans pour des soldats français demandent l'asile en France

Des interprètes afghans pour des soldats français demandent l'asile en France - ALEXANDER KLEIN / AFP

Ils sont interprètes et ont travaillé pour l'armée française en Afghanistan. Et parce qu'ils ont aidé une armée étrangère, les talibans les recherchent pour les exécuter. Alors qu'ils vivent cachés aux alentours de Kaboul, RMC a réussi à joindre plusieurs d'entre eux: aujourd'hui ils demandent l'asile.

Ont-ils été abandonnés par l'armée française? Ce jeudi RMC relaie l'appel à l'aide de 55 Afghans pour obtenir le droit de rejoindre la France. Ils sont interprètes et ont tous travaillé pour l'armée française en Afghanistan. Et parce qu'ils ont aidé une armée étrangère, les talibans, qui petit à petit reprennent le pouvoir, les recherchent pour les exécuter. En effet, tous ont reçu des lettres de menaces. Celles-ci se sont même accentuées depuis le début de l'année et la parution d'une nouvelle caricature du Prophète en Une de Charlie Hebdo. Alors qu'ils vivent cachés aux alentours de Kaboul, aujourd'hui, ils demandent donc l'asile.

C'est le cas d'Abdul qui était avec les soldats français lors de leurs missions particulièrement dangereuses en dehors de Kaboul. A visage découvert, il était chargé d'établir le contact avec les talibans. Aujourd'hui, menacé de mort par ces talibans, il vit caché avec sa femme et leurs petites filles. Une famille qui doit sans cesse déménager. "Ça fait 11 ou 12 fois que je suis obligé de changer de domicile. Mais à chaque fois, je dois rester enfermé. Je n'ai pas d'autres solutions car s'ils (les talibans, ndlr) m'attrapent, ils me décapiteront", affirme-t-il sur RMC.

"Je demande à l'Etat français de sauver ma vie"

"Ils pensent que quiconque a travaillé pour l'armée française est complètement infidèle et espion, poursuit-il. Je ne peux jamais laisser ma petite fille en dehors de ma maison sinon elle sera kidnappée. Et moi, c'est la même chose". Abdul en veut donc à la France de le laisser dans cette situation car il en est persuadé: "Si je n'avais pas travaillé avec l'armée française, je n'aurais pas reçu de menaces comme aujourd'hui".

Dans Bourdin Direct, ce qu'Abdul dit ne pas comprendre c'est que l'armée française lui "a promis de l'aider et de le protéger jusqu'à la fin. Or depuis que les Français ont quitté l'Afghanistan, personne ne nous protège. C'est pourquoi, aujourd'hui, je demande à l'Etat français de sauver ma vie et celle de ma famille. De faire en sorte, que je sois loin de l'attaque des insurgés pour ne plus être inquiet de ma sécurité et celle de ma famille".

"Pour eux, nous sommes des espions et des infidèles"

Il est d'autant plus désabusé qu'au début, il se disait "fier de travailler avec l'armée française car je pensais qu'elle allait nous protéger. Mais aujourd'hui, je suis abandonné… Je pense à mourir car je n'ai pas de solution". Abdul n'est pas un cas isolé. Afirullah a lui aussi été pendant 8 ans l'interprète de plusieurs militaires haut gradé. Et lui aussi se retrouve désormais à vivre caché avec sa femme car menacé de mort. "Les talibans ne font pas grand-chose: ils coupent la tête et la pose sur le corps. Pour eux, nous sommes des espions et des infidèles", insiste-t-il lui aussi.

Alors, parce que l'armée française lui avait promis une protection, Afirullah ne comprend pourquoi son visa lui est refusé. "On était à côté des Français pendant des années. On était des soldats pour François Hollande", souligne-t-il. Mais dans les propos d'Afirullah et d'Abdul, il n'y a pas de colère. La colère, elle est plutôt du côté des soldats, qui ont vécu au quotidien avec ces Afghans.

Des demandes d'asile en cours

"La parole d'un militaire c'est quelque chose. La loyauté c'est une valeur très importante pour un soldat", peste Caroline Decroix, l'avocate française de ces interprètes. Interrogé par RMC, le ministère des Affaires étrangères assure que les procédures pour l'accueil de ces interprètes sont toujours en cours mais qu'elles sont très longues à mettre en place.

Pour faire accélérer le processus, un collectif d'avocat va déposer la semaine prochaine les 55 dossiers de ces interprètes devant le tribunal administratif de Nantes, tribunal compétent pour exiger des autorités la délivrance en urgence de visa.

Maxime Ricard et Céline Martelet