Astreintes non travaillées, astreintes non payées: "C'est le début du travail gratuit"

Eric Aubin, syndicaliste CGT - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Assouplissement des 35 heures dans l'entreprise, référendum pour valider des accords collectifs ou plafonnement des indemnités prud'homales de licenciement… le projet de réforme du Code du travail vise à "améliorer la compétitivité des entreprises, développer et préserver l'emploi, réduire la précarité du travail et améliorer les droits des salariés" mais suscite aussi des critiques, notamment à gauche. Et parmi les mesures les plus discutées celle visant à rendre les astreintes non travaillées, non payées.
"Normal d'être payé"
Concrètement le projet de loi prévoit que le temps d'astreinte puisse être considéré comme du temps de repos, et non du temps de travail effectif, si le salarié n'est pas appelé. Une disposition désapprouvée par Agathe. Une fois par mois, un week-end entier, cette éducatrice spécialisée est d'astreinte. Elle est chez elle sans pour autant être libre de faire ce qu'elle veut.
"Je ne peux pas partir à plus d'une heure de mon lieu de travail, confie-t-elle. J'ai tout le temps le téléphone d'astreinte avec moi et il faut absolument que je réponde s'il sonne". Pour cette astreinte, elle est payée 100 euros nets par week-end. Qu'elle soit appelée ou non. "C'est tout à fait normal qu'on soit payé puisque, pendant ce temps-là, je ne peux pas faire ce que je veux, estime-t-elle. On a le stress de ce dire que l'on peut être appelé à n'importe quel moment pour quelque chose de plus ou moins grave".
"Une honte"
Une situation à laquelle Agathe "doit réagir immédiatement". C'est pourquoi, elle considère que "l'astreinte ne peut pas être du bénévolat". Pourtant dans le projet du gouvernement, l'employeur pourrait décider qu'un salarié qui n'a pas été appelé pendant une astreinte ne sera pas payé car considéré comme un temps de repos. Ce que dénonce Eric Aubin, syndicaliste à la CGT. "Ce n'est pas du temps de travail effectif mais c'est du temps à la disposition de l'employeur et il doit être considéré comme tel", assure-t-il avant d'estimer que "c'est le début du travail gratuit".
Cette mesure du projet de loi est aussi vertement critiquée par Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS de Paris. Pour elle, c'est "une honte": "Franchement je ne m'attendais à ce que le texte aille aussi loin. Cela percute les fondamentaux comme jamais, cela fragilise le rapport du salarié à l'entreprise. D'autant plus qu'on est sûr que cela ne créera pas d'emploi. Il faut donc revenir sur ce mauvais projet".