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Au secours, Martine Aubry revient!

Retrouvez la chronique politique d'Hervé Gattegno du lundi au vendredi sur RMC.

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Martine Aubry et Manuel Valls se sont opposés à distance hier à propos des "infléchissements" de la politique économique réclamés par la maire de Lille. C’est un nouveau front qui s’ouvre pour l’exécutif. Votre parti pris est direct : Au secours, Martine Aubry revient ! C’est si terrible que ça?

Au moment où le PS est à la fois secoué et divisé, la réapparition de Martine Aubry n’est pas une bonne nouvelle – plutôt un péril de plus. C’est vrai qu’elle a une assez bonne image dans l’électorat de gauche mais les élus la connaissent : elle est tout sauf rassembleuse et si elle a du caractère, elle peut être caractérielle. En plus, elle a des revanches à prendre : sur François Hollande, qui l’a battue à la primaire et l’a bannie du pouvoir ; et sur Manuel Valls, qu’elle n’a jamais pu supporter et qui lui est passé devant. Elle annonce des propositions écrites. Ça veut dire que pour l’instant, elle ne porte pas de coup – mais elle se pousse du col.

Vous voulez dire que sa sortie est une offre de service explicite à l’intention de François Hollande ? C’est ce qui explique la réaction de Manuel Valls?

Une fois encore, le Premier ministre a un peu surréagi : après tout, le rééquilibrage dont parle Martine Aubry ("réduire les déficits sans casser la croissance"), c’est ce que François Hollande et Manuel Valls plaident au niveau européen. D’un autre côté, Manuel Valls a bien compris que dans un premier temps, c’est lui qui est dans le viseur. Martine Aubry a critiqué sa réforme territoriale avant l’été, elle l’a contredit sur l’encadrement des loyers, elle n’a pas voulu lui laisser le dernier mot hier sur la question des effectifs policiers à Lille. Elle se pose ouvertement non pas en rivale mais en contradicteur. Elle dit qu’elle ne cherche pas de poste – en tout cas, elle se met en piste…

En guise de réponse à M. Aubry, Manuel Valls a demandé publiquement : "Elle est où l’alternative ?" Est-ce que Martine Aubry peut réellement incarner une autre politique de gauche?

Il est évidemment faux de dire qu’il n’y a qu’une seule politique possible. François Hollande en a mené au moins deux – et aucune n’a marché. Cela dit, on verra ce que Martine Aubry a à proposer, mais comme elle est la mère des 35h, elle n’est pas la mieux placée pour défendre la compétitivité de nos entreprises : il est acquis que ça été un handicap, notamment face à l’Allemagne. En réalité, c’est moins une autre vision économique qu’une autre équation politique qu’elle peut représenter : une partie des frondeurs du PS roule pour elle et elle est la socialiste préférée des Verts. Ça lui ne lui donne pas une position d’influence, mais au moins un certain pouvoir de nuisance.

A votre avis, elle est en train de se positionner pour Matignon? Pour la primaire de 2016 ? Les deux?

Rien n’est écrit mais on n’imagine les choses continuer 2 ans en l’état pour François Hollande. Pour l’instant, Martine. Aubry vise surtout le congrès du PS, en 2015. C’est là que les batailles vont se livrer. Si elle reconquiert le PS, elle peut s’imposer à Matignon – il n’est écrit nulle part qu’il ne doit y avoir que deux Premiers ministres dans un quinquennat. Elle peut aussi rester en dehors du pouvoir et se réserver pour la primaire. Tout le monde est en train d’acter que F. Hollande a peu de chance de pouvoir se représenter en 2017. Et s’il a échoué, Manuel Valls sera comptable de son échec aussi. A ce moment-là, Martine Aubry peut espérer ressouder la gauche. D’ici-là, on ne peut pas exclure qu’elle essaie de dessouder ses concurrents.

Hervé Gattegno