Bayrou s'ancre au centre-droit, sous l'oeil attentif de l'UMP

A un peu plus de cent jours du premier tour de l'élection présidentielle, le vent semble tourner en faveur de François Bayrou qui, en glanant des soutiens au centre-droit, réveille dans les rangs de l'UMP l'espoir prudent d'un rapprochement. /Photo prise - -
par Sophie Louet
PARIS (Reuters) - A un peu plus de cent jours du premier tour de l'élection présidentielle, le vent semble tourner en faveur de François Bayrou qui, en glanant des soutiens au centre-droit, réveille dans les rangs de l'UMP l'espoir prudent d'un rapprochement.
Le président du Mouvement Démocrate, qui oscille en ce début d'année entre 11% et 14% d'intentions de vote - scénario identique à la précédente campagne - bannit pour l'heure le terme "alliance" de son vocabulaire, car c'est bien au second tour que le "troisième homme" de 2007 pense plus que jamais.
Dans "Panique à l'Elysée", une fiction qui paraît le 11 janvier, l'ancien porte-parole de l'UMP Dominique Paillé, aujourd'hui soutien de Jean-Louis Borloo, imagine un second tour entre François Bayrou et Marine Le Pen, la candidate du Front national.
Au MoDem, on se réjouit pour l'heure que le paysage politique se clarifie et que les hommes et les femmes "non corsetés" - de droite comme de gauche souligne-t-on - commencent à adhérer ouvertement à la vision du député béarnais.
Les anciens ministres Jean Arthuis, Bernard Bosson, Dominique Versini, Alain Lambert et Anne-Marie Idrac ont d'ores et déjà rejoint le candidat centriste.
Dans le camp présidentiel, après Arnaud Dassier, ancien responsable de la campagne de Nicolas Sarkozy sur internet en 2007, c'est Philippe Douste-Blazy, cofondateur de l'UMP, qui appelle à voter pour François Bayrou.
"Ni un événement ni un non-événement", a relativisé lundi Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, mais dans l'entourage de François Bayrou, on veut y voir un symbole.
Quant à la "menace" de la dirigeante du Parti chrétien-démocrate Christine Boutin de rallier le président du MoDem, dans le cas où elle n'obtiendrait pas les 500 parrainages nécessaires à sa candidature, elle est fraîchement accueillie dans le parti de François Bayrou.
Au Nouveau Centre, les détracteurs d'Hervé Morin, dont la candidature ne décolle pas dans les sondages et menace d'être invalidée par une fronde interne, songeraient pour certains à se rapprocher de François Bayrou.
Ainsi le numéro deux du mouvement Jean-Christophe Lagarde, qui a toujours dit que François Bayrou était de la "famille".
UNE AFFAIRE DE FAMILLE
Au Parti radical, la circonspection domine. "On a le sentiment que François Bayrou ne fait ça que pour lui", commente un responsable du parti. "Il n'y a pas de démarche collective, on ne sait pas où il va".
La "famille" centriste s'interroge sur sa cohérence et sa cohésion, mais de là adouber François Bayrou...
Les proches de Nicolas Sarkozy ont à coeur, eux aussi, de mettre en avant l'esprit de "famille" pour ménager François Bayrou après des relations acrimonieuses.
"L'essentiel de que dit François Bayrou va dans le sens de l'action et des propos du président et du gouvernement", analyse un ministre. "Je ne vois pas pourquoi on lui taperait dessus".
Le président du MoDem a considérablement modéré ses critiques depuis la charge virulente d'"Abus de pouvoir" (2009) et reconnaît lui-même que les relations avec le chef de l'Etat sortant sont "convenables". Du Premier ministre, il dit qu'entre "François Fillon et lui, il n'y a pas des abîmes".
Un proche souligne toutefois qu'il n'existe pas "la moindre possibilité logique de 'dealer' avec Nicolas Sarkozy".
L'UMP, qui insiste sur l'absence du centre-gauche dans les récents ralliements bayrouistes, veut croire à l'hypothèse d'une négociation d'entre-deux-tours avec le candidat "libre".
L'introduction de la proportionnelle dans le scrutin législatif, afin d'améliorer la représentativité centriste, pourrait être un point de discussion, mais le même ministre, proche du chef de l'Etat, le juge "techniquement inenvisageable" et inopportun politiquement.
"Il y a une question de morale politique, ça révulserait les gens. Ce ne serait pas bien de le faire maintenant", explique-t-il.
Pour Gaël Sliman, directeur du pôle opinion de BVA, le calcul qui consisterait à "miser sur Bayrou est incompréhensible".
"Le coeur de l'électorat de Bayrou a comme point focal l'anti-sarkozysme et votera à près de 80% à gauche au second tour. Si François Bayrou appelait à voter Sarkozy au second tour, il est à peu près certain que son électorat actuel ne le suivra pas", dit-il.
Sophie Louet, édité par Patrick Vignal