Comment le Covid-19 et les plates-formes en ligne ont tué l'industrie du cinéma?

Le dernier film de Georges Clooney sort aujourd’hui sur Netflix. C’est le symbole d’un mouvement de fond. Les plateformes de télévision payante sont en train de tuer le cinéma. De tuer en tout cas, le cinéma en salle et 2020 restera l’année où tout a basculé. 

"Minuit dans l'univers", le dernier film de et avec Georges Clooney sort donc aujourd’hui uniquement sur Netflix. Produit par Netflix, il devait sortir simultanément pour les abonnés et dans 500 salles finalement à cause du Covid-19 il ne sort que sur la plateforme. C’est un film de science-fiction, un gros budget, tourné pour le cinéma mais personne ne le verra un grand écran. Georges Clooney n’en fait pas une maladie, il estime que c’est l’avenir. 

Netflix offre aux cinéastes à la fois d'énormes moyens et d'énormes débouchés. Et de fait, le plus grand succès de l’année 2020, c’est un film d’horreur espagnol, "The platform", une production originale Netflix qui a été vue 56 millions de fois dans le monde. On passe dans une autre dimension. 

Les exploitants de salles grands perdants

Le 5 août dernier, un directeur de cinéma français détruisait l’affiche publicitaire du film "Mulan" avec une batte de baseball. Patron du cinéma de Palaiseau dans l'Essonne, il venait d’apprendre que Disney avait décidé d’annuler la sortie en salle de Mulan, pour le réserver à sa plateforme. Disney Plus. Au prix de 30 dollars pour les abonnés. C’est un nouveau modèle économique. Le directeur l’a tout de suite compris et il a exprimé sa colère avec sa batte de baseball… 

Vers un retour à la normale après le Covid-19?

On ne reviendra sans doute pas en arrière, parce que les plus gros studios de production américains ont définitivement choisi de ne plus respecter la chronologie des médias. C'est à dire qu’un film sort d’abord en salle, puis en DVD puis sur les télévisions payantes puis sur les télévisions. Mais ça, c'était avant.

Cette année, au printemps dernier, les studios de Dreamworks ont sorti le film "Troll 2" en VOD, en visionnage payant à la maison. C’était la première fois qu’un film majeur sortait uniquement en streaming. Et ça a marché. 95 millions de dollars de recette en 19 jours. 

Universal a alors indiqué que désormais toutes ces grosses productions sortiront simultanément en salle et en VOD. AMC le plus grand exploitant de salles américain a menacé d'un boycott. Finalement un accord a été trouvé, mais désormais les salles n’auront l’exclusivité des films Universal que pendant deux semaines au lieu de trois mois auparavant… 

Et même les studios Warner qui faisaient de la résistance, qui se voulaient les sauveurs du cinéma en salle, et bien même Warner a craqué. Leur plus grosse production de l'année, "Wonder Woman 1984", sort après-demain simultanément en salle ET sur la chaîne payante américaine HBO max.

Un mouvement irréversible?

Oui, coronavirus ou pas, Warner sortira toute ses productions de 2021 sur HBO. Notamment "Matrix 4". Le remake de "Pinocchio" est sorti en mai dernier sur Amazon Prime. Juste avant la comédie Française "Forte" s'était aussi vendue à Amazon. 

En fait, le Coronavirus a accéléré l'inéluctable montée en puissance de ces plateformes.

2020 restera l'annus Horribilis du cinéma !

Terrible année. Avec dans toute l'Europe, la fermeture de toutes les salles le 16 mars. Et l'arrêt des tournages. Après une petite reprise cet été, les salles sont de nouveau fermées aujourd’hui, sans connaître la possible date de réouverture.

Dans le monde, un seul film a tiré son épingle du jeu. C'est "Tenet" de Christopher Nolan qui a fait 350 millions de recettes pour un coût de 200 millions. Un succès, pour des dizaines d'échecs ou de sorties repoussés.

Et puis 2020 est aussi l’année d’une autre bascule. Les Etats-Unis ne sont plus un grand pays du cinéma en termes de spectateurs. C’est désormais la Chine. Et c’est un film chinois qui a battu le record des recettes. "Eight hundred, 800", une grosse production chinoise, un film patriotique qui n’a été distribué qu’en chine et qui a généré 460 millions de dollars de recette. Plus que "Tenet" de Nolan. Car la Chine compte 60.000 salles de cinéma et elles sont toutes ouvertes.

Nicolas Poincaré