Contrôles policiers abusifs: "Si je porte plainte, il n'y aura pas de suites", déplore Youssouf

Un rapport dénonce les contrôles policiers abusifs - AFP
"Dans un climat de résignation générale post-attentats, dans lequel la lutte contre les abus policiers semble obsolète", sort ce mardi un rapport pointant du doigt les contrôles policiers abusifs. Il s'agit de la première grande enquête du genre en France, menée pendant plus de quatre ans (entre avril 2011 et décembre 2015) sur la base de témoignages recueillis par les associations du collectif "Stop le contrôle au faciès". Selon cette étude, il s'avère que 92,9% des personnes s’estimant victimes de contrôles policiers abusifs ne portent pas plainte.
"A la fin, c'est la police qui va gagner"
C'est le cas de Youssouf, Français d'origine sénégalaise d'1m96, qui cherche à se faire le plus discret possible lorsqu'il croise la police dans son quartier à Villepinte. "Je baisse la tête pour pas qu'on me contrôle, assure-t-il sur RMC. Je dois me faire tout petit pour ne pas faire contrôler". Il faut dire qu'il est contrôlé chaque semaine et plusieurs fois par jour même. Une véritable habitude en somme: "A tel point que, dès qu'on voit une voiture de police ralentir, on se retourne directement et on enlève nos sacs. C'est à chaque fois qu'on (les policiers, ndlr) les croise".
Et d'ajouter: "Je sais qu'à chaque fois que je vais sortir, je vais me faire contrôler. A chaque fois… Si ça vous vous arrivait, vous allez vous sentir comment?" Youssouf, lui, se dit impuissant et résigné: "Si je porte plainte, il n'y aura pas de suites. Il n'y aura rien du tout… A la fin, c'est la police qui va gagner… On en est tous conscients. On a l'impression qu'ils n'ont pas de chefs leur interdisant. Comme ils sont libres de faire ce qu'ils veulent et bien ils font ce qu'ils veulent".
"Ça n'est plus possible"
Selon l'enquête du collectif "Stop le contrôle au faciès", la majorité des victimes de contrôles au faciès n'oseraient pas porter plainte, notamment par peur des représailles, explique Laetitia membre du collectif. "Ils savent qu'à partir du moment où ils porteront plainte, ils seront identifiés comme tel donc les policiers risquent de revenir à la charge, voire plus souvent que d'habitude. Certains ont donc peur", estime-t-elle.
"Les jeunes voient bien ce qu'il se passe. Ils constatent que l'on peut porter plainte mais cela n'aboutit pas à grand-chose", poursuit-elle. Alors ce rapport, pour elle, c'est la preuve par les chiffres que les contrôles abusifs existent: "Et plus de 92% de ces contrôles n'aboutissent à rien, indique Laetitia. Soit ils sont mal effectués, soit ils sont faits sur les mauvaises personnes et en attendant des délinquants courent encore les rues et ne sont pas contrôlés. La démarche du collectif est donc de pousser les jeunes à porter plainte parce que ça n'est plus possible".