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Déchets radioactifs: à Bure, les habitants agacés par… les anti-nucléaires

Vue prise le 28 novembre 2005 d'un panneau informant de la radioactivité des colis transportés dans un camion stationnant devant le centre de stockage de déchets radioactifs FMA (faible et moyenne activité).

Vue prise le 28 novembre 2005 d'un panneau informant de la radioactivité des colis transportés dans un camion stationnant devant le centre de stockage de déchets radioactifs FMA (faible et moyenne activité). - Olivier Laban-Mattéi - AFP

Un amendement de dernière minute à la loi Macron autorise l'enfouissement de déchets radioactifs près du petit village de Bure, dans la Meuse. Sur place les anti-nucléaires investissent les lieux, au grand désarroi des habitants, plus résignés que révoltés par le projet.

Le village de Bure dans la Meuse va se transformer en poubelle nucléaire. Le projet d'enfouissement de déchets radioactifs dans ce petit village de 86 habitants a été adopté en même temps que la loi Macron vendredi dernier. Alors que ce projet, qui remonte à 1991, ne figurait pas dans la version initiale du texte, un amendement de dernière minute a été proposé et intégré à la loi. Les premiers déchets pourraient donc être enfouis en 2030 dans une des plaines qui entourent le village, dans des couches d'argile à 500 mètres sous terre.

Depuis cette annonce, les anti-nucléaires sont nombreux à se rendre dans le village depuis les alentours. Ils ont même érigé la "maison de la résistance" en plein centre de Bure. Une ferme rénovée qui détonne avec le calme du village.

"On lutte pour l'arrêt du nucléaire"

Comme pour la Maison bleue de Maxime Le Forestier, ici on ne frappe pas, la maison est toujours ouverte. Camille, jeune militante, "y passe de temps en temps" quand elle vient en Lorraine. Lors du passage d'RMC, elle accueillait Gérard, qui habite à 30 kilomètres mais passe régulièrement, pour dénoncer "ce projet aberrant" d'enfouissement des déchets nucléaires. Tous les anti-nucléaires se retrouvent ici au milieu des affiches et des tracts anti-OGM ou anti-capitalistes. "On ne lutte pas seulement pour l'enfouissement des déchets, mais surtout pour l'arrêt du nucléaire. C'est une lutte qui n'émane pas des habitants eux-mêmes, mais qui est importée".

"Les gens n'ont pas à supporter des barbouillages sur leur mur"

Une lutte "importée" qui commence à agacer les habitants du village. "Les opposants disent aujourd'hui que l'amendement à la loi Macron est un déni de démocratie, mais ils ont perturbé le débat", estime Charles. Surtout, cet agriculteur n'accepte pas une chose : que les opposants "s'attaquent à des bâtiments privés. Les gens n'ont pas à supporter des barbouillages sur leur mur".

A Bure aujourd'hui, les habitants sont résignés, à l'image de Jean-Michel, qui habite le village depuis plusieurs générations. Il a arrêté de se battre contre le projet et souhaite maintenant être informé des détails. "Ce n'est qu'une question de temps avant que ça ne se fasse, c'est tout. Sur les déchets, je n'ai pas d'à priori, ce qui me gêne c'est le manque d'explications claires. Il faudrait annoncer à la population ce qui va se passer sur nos routes et nos chemins de fer. Ça va bouleverser la région mais nous ne sommes pas informés, ni préparés", dénonce-t-il sur RMC.

"On fera des essais à blanc"

Pour Jean-Paul Baillet, les habitants n'ont pas à être inquiets. Directeur général adjoint de l'Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) et directeur du site de Bure, il est en charge des essais d'enfouissement des déchets nucléaires. "La loi Macron est une étape, mais ce n'est pas un décret d'autorisation de création, il y aura de toute façon une autre loi avant la mise en service, explique-t-il. On fera des essais à blanc avec des colis factices pour vérifier que tout fonctionne normalement, et si ça donne satisfaction, effectivement, en 2030 les premiers colis seront descendus (enfoui)". 

Surtout, "l'Autorité de sûreté nucléaire viendra vérifier en 2025 que le cahier des charges a été rempli", avant de donner son feu vert. "L'Andra n'a pas été lâché dans la nature", insiste Jean-Paul Baillet. Les colis qui seront enfouis à Bure représentent 3% du volume des déchets produits par les réacteurs français, mais 99% de la radioactivité. Ils doivent rester confinés pendant 100.000 ans avant de ne plus être dangereux pour l'homme.

Philippe Gril avec Charlotte Peyronnet