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Dounia Bouzar: "Daesh peut faire basculer une personne sans qu'il y ait d'engagement religieux"

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Invitée ce dimanche sur RMC, Dounia Bouzar, anthropologue et directrice du Centre de prévention, de déradicalisation et de suivi individuel (CPDSI), estime que le gouvernement doit revoir ses indicateurs d'alerte.

Mohamed Lahouaiej Bouhlel aurait été radicalisé très rapidement. Est-ce un profil familier?

Dounia Bouzar: C'est la grande différence entre Al Qaida et Daesh. Pour Al Qaida, il fallait quand même connaître l'islam, s'engager politiquement, vouloir que les lois islamistes soient appliquées par le gouvernement. Il y a une vraie idéologie, une vraie hiérarchie, un apprentissage. Daesh, non. Daesh embrigade rapidement. Il y a des jeunes qui basculent en moins de deux mois alors qu'ils n'étaient même pas musulmans, qui sont parfois issus de familles athées.

Les recruteurs de Daesh arrivent et proposent une solution personnelle à la problématique de la personne, un scénario pour mourir et pour tuer. Par internet ou par simple conversation avec quelqu'un, ils vont jouer sur la vulnérabilité d'une personne et la font basculer dans une déshumanisation totale sans qu'il y ait d'engagement religieux.

Manuel Valls évoquait ce dimanche dans le JDD un "ennemi invisible". Comment combattre ce genre d'ennemi?

D.B.: Il faut prendre les bons indicateurs d'alerte. Il faut arrêter de penser que c'est un engagement religieux et donc arrêter de s'alerter quand quelqu'un porte le voile ou fait la prière. C'est au contraire les comportements de rupture familiale, amicale, les changements soudains qui doivent alerter. Il faut changer notre grille de lecture pour être efficace et empêcher ces gens de basculer complètement.

Quel avis portez-vous sur la polémique lancée par Christian Estrosi vendredi?

D.B.: Pour le moment la droite et la gauche sont au même niveau et continuent à ne pas réactualiser leur grille de lecture donc c'est malvenu de se faire la guerre. Qu'ils soient plutôt à l'écoute des gens de terrain et des chercheurs, qu'ils arrêtent de faire des choses uniquement pour leur projet politique. On pourra ainsi avancer tous ensemble.

P.B. avec Pierre Rigo