Dumping social? Quand Dentressangle faisait venir des étrangers pour 300 euros par mois

Le procès du transporteur Norbert Dentressangle s'est ouvert ce lundi - AFP
C'est le procès du dumping social… L'ex-géant français du transport routier Norbert Dentressangle (devenu XPO Logistics) comparaît jusqu'à vendredi devant le tribunal de Valence (Drôme) pour avoir embauché abusivement, entre 2005 et 2012, plus de 1.000 chauffeurs polonais, roumains et portugais. Au total, six cadres du transporteur sont poursuivis pour "délit de marchandage", "prêt de main d'œuvre illicite" et "travail dissimulé".
Entre 2005 et 2012, Richard, un chauffeur polonais de 44 ans, a travaillé en France pour un sous-traitant polonais de Norbert Dentressangle. Et voici dans quelles conditions il était employé: "On arrivait en France en car depuis la Pologne. On avait déjà toutes nos instructions traduites en polonais. Sur place, notre camion était immatriculé en Pologne mais la remorque, elle, était immatriculée en France, assure-t-il. On venait en général pour 21 jours de travail puis on repartait cinq jours chez nous et ainsi de suite et tout ça pour seulement 300 euros. Je pense qu'on aurait dû gagner 2.000 euros, comme un conducteur français…"
"Comme le travail était rare…"
Tout comme Richard et 340 de ses collègues polonais, roumains et portugais Raphaël s'est lui aussi porté partie civile pour ce procès. Il demande aujourd'hui des indemnités à son employeur: "300-350 euros par mois, c'est vraiment très peu pour le travail que l'on faisait. Mais comme le travail était rare, on acceptait cet emploi, explique-t-il. Quand j'ai su qu'il y avait un procès, j'étais content de savoir que l'on allait pouvoir demander un dédommagement car on faisait le même travail que les chauffeurs français".
Car c'est bien le droit social français qui aurait dû s'appliquer selon Romain Mifsud, l'avocat de l'URSSAF, partie civile dans ce dossier. "Le groupe Norbert Dentressangle a mis en place une fausse sous-traitance qui a consisté seulement à gagner de l'argent sur les prestations de travail effectuées par des chauffeurs français, argumente-t-il. En prenant un peu par-ci, par-là sur les législations européennes et françaises, ils ont réussi à monter un système, le système Dentressangle !"
"Le procès d'un certain fantasme"
En revanche, pour le transporteur, toutes les lois ont été respectées comme, selon Joseph Aguera, l'avocat de Norbert Dentressangle. Pour lui, c'est le principe même de la sous-traitance qui est remis en question: "On estime qu'on a respecté non seulement le droit européen mais également le droit français. Le parquet n'admet pas le fait européen car il considère que des sous-traitants, parce qu'ils sont roumains ou portugais, ne sont pas les bienvenus et qu'il faut leur appliquer des règles différentes. C'est quand même le procès d'un certain fantasme".
A noter que les 6 cadres poursuivis et le transporteur risquent chacun plusieurs milliers d'euros d'amende et des peines de prison. Le jugement sera mis en délibéré vendredi.