RMC
Économie

Baguette à 29 centimes d'Aldi et Lidl: "On attire les pauvres pour leur faire manger un produit infâme!"

placeholder video
La baguette à 29 centimes, accusée de faire la concurrence déloyale aux boulangers, est aussi critiquée pour sa qualité. "Le symbole de la malbouffe", s'est insurgé Périco Légasse, taclant une opération de communication des enseignes Aldi et Lidl."C'est toujours faire appel au portefeuille des pauvres!"

L’opération coup de poing de Lidl et Aldi de proposer la baguette à 29 centimes fait hurler les boulangers, tant sur la concurrence du fait de l'écart de prix – au moins 80 centimes – que sur la qualité du produit. "Il faut faire la différence : ce sont deux produits différents", a martelé ce vendredi sur RMC Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française. "La baguette de tradition, c’est de la farine et une fermentation longue. La baguette industrielle, ce sont des machines, des pâtes survitaminées en gluten…"

"Ils ne gagnent pas d'argent dessus, ils en perdent"

Dominique Anract a aussi rappelé que le terme "baguette" est générique, "un simple morceau de pain allongé" et qu’il existe "tout un savoir-faire derrière cette baguette" lorsqu’elle est produite de manière artisanale. Pour lui, la démarche des enseignes est avant tout commerciale. "C’est un appât pour le client. Ils ne gagnent pas d’argent dessus, ils en perdent."

Cette politique tarifaire "détruit toute la chaîne de valeurs, de l’agriculture jusqu’au produit final", juge-t-il. Le président de la Confédération insiste sur la différence de fabrication. "Chaque boulanger fait son prix. La baguette de tradition est un produit fait à la main, plus long que la baguette classique, avec une mie alvéolée." Sans pour autant condamner totalement le produit industriel : "La baguette n’est pas un mauvais produit. Mais elle est faite par des petites machines, pas à la main."

Pas la même clientèle, estime un boulanger

À Saint-Pierre-Église, dans la Manche, Romain, boulanger, refuse de voir là une concurrence directe : "Ce n’est presque pas le même métier. Moi, je cherche la qualité avant tout, donner du plaisir aux gens. Une baguette à 29 centimes, ce n’est pas du goût ni du savoir-faire. Mais je comprends ceux qui l’achètent : ça permet de nourrir tout le monde."

Sa baguette tradition est vendue 1,20 €. "Les clients qui choisissent ce produit viennent chercher de l’artisanat. Ceux qui achètent à 29 centimes, on les voit rarement chez nous", fait savoir le boulanger.

La baguette à 29 centimes est davantage un symbole de la malbouffe qu'une aide pour le pouvoir d'achat des Français, estime Périco Légasse : "Ce n’est pas du pain, c’est un produit industriel comestible !" Selon lui, ces baguettes à bas prix sont le symbole d’une alimentation au rabais. "C'est terrible, pourquoi toujours les pauvres doivent se contenter d’un produit de malbouffe ?"

Baguette à 29 centimes : génial ou révoltant ? - 29/08
Baguette à 29 centimes : génial ou révoltant ? - 29/08
22:39

Il dénonce aussi les procédés de fabrication : "Ce sont des additifs chimiques qui remplacent les levains naturels, pour multiplier par six ou sept la vitesse de fermentation. On fabrique ainsi des centaines de milliers de pâtons par jour, congelés puis distribués dans toute la France. Ce n’est pas du pain !"

Pour Périco Légasse, l’opération marketing des enseignes n’est rien d’autre qu’un coup de communication.

"C'est toujours faire appel au portefeuille des pauvres, on les attire pour leur faire manger un produit infâme", dénonce-t-il.

"Les boulangers mangent à tous les râteliers"

Certains consommateurs voient malgré tout un intérêt à ces baguettes low-cost. Ben, aiguilleur SNCF, relativise : "Moi j’achète mon pain en supermarché, souvent une tradition à un euro. Les boulangers disent qu’on leur prend leur métier, mais eux aussi se sont mis à faire des sandwiches, du café, des pizzas… Ils mangent à tous les râteliers. Je ne vais pas les plaindre!", tempète l'auditeur d'Estelle Midi.

Leclerc se félicite, le PDG de la Coopérative U pas intéressé

Sur X, le président du groupe Michel-Edouard Leclerc s'est félicité de cette opération, rappelant que ses enseignes avaient fait la même chose, en 2022, et que celle-ci avait été - injustement - critiquée selon lui. "Un prix bas sur un produit essentiel, ça n'empêche pas d'avoir des gammes plus complexes. Rendre la consommation accessible, c'est notre métier, notre mission", a-t-il prôné.

Sur RMC-BFMTV, Dominique Schelcher, PDG de la Coopérative U, a de son côté fait savoir qu'il ne suivrait pas le mouvement. "Non on ne va pas rentrer dans la guerre de la baguette, faux combat, coup de com pour la rentrée", a-t-il jugé. "Nous on se bat sur la baguette de tradition d'origine française."

Léo Manson