Gaz russe: Jean-Marc Jancovici craint un rationnement de l'énergie en Europe cet hiver
En pleine vague de chaleur, la France se prépare déjà à l'hiver. Car le gaz russe pourrait manquer. "Nous devons nous préparer à un scénario où il faut nous passer en totalité du gaz russe", a prévenu jeudi Emmanuel Macron lors d'une interview à l'occasion du 14-Juillet.
Car la Russie continue de mettre la pression sur l'Europe, en pleine guerre en Ukraine. Lundi, le gazoduc russe Nord Stream 1, qui achemine le gaz de la Russie vers l'Europe, a été coupé, officiellement pour des raisons de maintenance.
La Russie regarde vers la Chine
"On ne sait pas s'il va être ouvert. C'est une partie de poker-menteur avec les Russes", prévient ce vendredi sur RMC Jean-Marc Jancovici, ingénieur spécialiste de l'énergie et président de The Shift Project. "L'hiver prochain, il peut tout se passer, on peut avoir un hiver normal s'il ne fait pas trop froid, ou rationner. Aujourd'hui, il est trop tôt pour se projeter", ajoute-t-il.
Mais la situation inquiète. "Les Russes ont pour voisins l'Europe d'un côté et la Chine de l'autre. Et les nouveaux gisements que les Russes pourraient développer, pourraient être connectés à la Chine plutôt qu'à l'Europe", alerte Jean-Marc Jancovici, ajoutant que l'Algérie et la Norvège, les deux autres principaux fournisseurs de gaz pour l'Europe, sont "en déclin".
"Quant au gaz liquéfié, le GNL, c'est beaucoup plus compliqué à transporter que le gaz par pipeline (comme Nord Stream 1, ndlr). Cela coûte très cher et on perd une partie du gaz en le liquéfiant. Il faut aussi des installations de 'regazéification'. Cela ne compensera pas le gaz qui arrive par tuyau", explique l'ingénieur.
L'arrêt du nucléaire allemand, "pas une bonne idée pour le climat"
Si la France est bien moins dépendante du gaz russe que ses voisins à l'est, Allemagne en tête, le manque dans ces pays pourraient les pousser à regarder vers la Norvège. Et demander un partage plus équitable dont pourrait pâtir la France. "La question de la solidarité européenne se pose alors", assure Jean-Marc Jancovici, qui n'écarte pas des coupures d'énergie.
Car outre le gaz, l'électricité pose problème, notamment avec la politique électrique allemande. "L'Allemagne a fait le choix d'arrêter le nucléaire ,qui n'émet pas du tout de CO2. Ce n'était pas une bonne idée pour le climat", tance-t-il.
"Ils ont choisi de faire du 100% renouvelable avec de l'éolien et du solaire. Mais en attendant d'avoir une énergie totalement renouvelable, ils ont fait le choix de produire de l'électricité avec du gaz. S'il n'y a plus de gaz, l'ensemble de l'équilibre pourrait être compromis et il pourrait donc y avoir des moments où on devra rationner l'électricité", prévient l'ingénieur.
"On est face à une situation qui n'était pas dans les cartons. On va entrer un peu dans l'inconnu", conclu Jean-Marc Jancovici.