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"Il faudrait que ce soit un peu plus pluraliste!": faut-il privatiser l’audiovisuel public ?

Le Sénat examine une proposition de loi sur l'audiovisuel dont la mesure phare reprend l'idée controversée d'une holding chapeautant France Télévisions et Radio France.

Le Sénat examine une proposition de loi sur l'audiovisuel dont la mesure phare reprend l'idée controversée d'une holding chapeautant France Télévisions et Radio France. - Lionel BONAVENTURE © 2019 AFP

Le RN veut privatiser l’audiovisuel public, pour éponger une partie de la dette nationale. Les chroniqueurs en débattent dans Estelle Midi sur RMC et RMC Story.

Le RN propose privatiser l'audiovisuel public (France Télévision et Radio France) en cas de victoire aux législatives, dans le but d'éponger une partie de la dette. Cela pourrait permettre une économie de 3,8 milliards d'euros, le montant alloué par l'Etat à l'audiovisuel public pour 2024.

Dans le détail, sur cette TVA prévue pour cette année, plus de 63% sont accordés à France Télévision (France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô et Franceinfo), 16% à Radio France (France Inter, France Culture, France Info, France Bleu, FIP et Mouv'...), 7,7% à Arte, 7,6% à France Médias Monde (RFI, France 24...), le reste étant réparti entre l'INA et TV5 Monde.

Rien de surprenant, puisque cette mesure figurait déjà dans le programme de campagne de Marine Le Pen lors de la présidentielle il y a deux ans. La candidate envisageait déjà la privatisation de l'audiovisuel public, dont il était selon elle difficile de distinguer la spécificité: "Nous sommes une grande démocratie, a-t-elle encore besoin d'un audiovisuel public de cette taille?" Une telle décision serait toutefois une décision unique en Europe, chaque pays possédant son propre service public de l'audiovisuel.

"Des émissions de grande qualité"

"Il ne faut surtout pas", estime Benjamin Amar, enseignant et syndicaliste, dans Estelle Midi sur RMC et RMC Story. "C'est une très bonne chose qu'on ait un audiovisuel public riche, parce que ce n'est pas la même logique: (...) on peut laisser des plages à certaines de ses émissions qui ne sont pas forcément aussi contraintes par la rentabilité."

Cela permet des programmes plus variés, selon lui. Les jeux télévisés ou du théâtre par exemple ou "des émissions de très grande qualité que l'on ne voit pas ailleurs", comme de l'investigation, qui peut être "très critiquée parfois par d'autres médias privés" et "qui tient bon dans l'audiovisuel public".

Concernant les dépenses, "on peut faire des économies ailleurs: il y a des aides publiques qui se chiffrent en dizaines ou en centaines de milliards". "Dégraisser le mammouth, ce n'est pas ce qu'ils proposent: ils proposent de privatiser".

Trop "dogmatique"

Pour Frédéric Hermel, journaliste sur RMC, la privatisation ne serait pas une bonne chose. "Mais il faut dégraisser parce que là, il y en a pour tous les goûts. Je pense qu'il faut garder France 3 comme grande chaîne publique, avec les unités locales, c'est très important, garder une grande chaîne à l'international pour la voix de la France comme France 24, c'est important, on peut garder une radio comme France Bleu pour tout ce que ça représente. Mais dans le reste..."

Et France Inter, qui est aujourd'hui la première radio du pays? "C'est parce qu'il n'y a pas de pub", estime-t-il. Pour les autres "c'est plus difficile, notamment pour les matinales qui sont quand même le gros moteur d'une radio, car la pub est un frein". Selon lui, "beaucoup d'auditeurs écoutent France Inter à cause du confort d'écoute" car elle est "payée par l'argent des Français et pas par la pub" comme "une entreprise privée".

"Il faudrait un service public qui ne soit pas dogmatique. Avant, on reprochait au service public d'être inféodé au pouvoir en place. Ce n'est plus le cas, aujourd'hui c'est inféodé à une idéologie, qui représente l'immense majorité des journalistes dans ce pays, de gauche voire d'extrême gauche", ajoute Fred Hermel. "Il faudrait que ce soit un peu plus pluraliste!"

"Il faut un service public, mais il faut le rationnaliser et le dégraisser. Et surtout qu'il représente plus la France qu'aujourd'hui, car il est aujourd'hui le fait d'une gauche parisienne, riche et bourgeoise", selon Fred Hermel.

"Beaucoup de pluralité sur le service public"

Cette proposition est "assez logique dans le logiciel du RN pour deux raisons", explique Thierry Moreau, journaliste et chroniqueur médias dans Estelle Midi. "D'abord parce qu'ils veulent passer pour des bons gestionnaires, ils ont besoin de financer un certain nombre de mesures, et 4 milliards dans un programme chiffré à 100 milliards, c'est toujours bon à prendre." La deuxième raison, "pour son électorat, effectivement il y a une perception de gauchisme avéré du service public".

"C'est plus ou moins vrai", estime Thierry Moreau. Certaines émissions sont "très écolo, très engagées, donc très à gauche", mais "sinon, il y a quand même beaucoup de pluralité sur le service public, il ne faut pas se mentir."

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