Interdiction des polluants éternels: l'entreprise SEB manifeste devant l'Assemblée contre la proposition de loi

Environ 600 salariés du groupe d'électroménager SEB sont attendus à Paris ce mercredi midi pour manifester devant l'Assemblée nationale. Ils seront accompagnés d'élus et de membres de la direction du groupe qui fabrique notamment les poêles Tefal.
Tous veulent faire pression sur les députés qui étudient ce jeudi une proposition de loi portée par le député EELV de Gironde, Nicolas Thierry, qui vise l'interdiction de fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de produits contenant des PFAS, dits polluants éternels. Le texte prévoit une interdiction dès 2025 pour les produits textiles, les matériaux mis au contact des denrées alimentaires et les mousses anti‑incendies. Pour tous les autres, l'interdiction entrerait en vigueur en 2027.
"Si cette loi passe au 1er janvier, il y a 1.500 salariés de l'usine de Rumilly (Haute-Savoie) et 300 de Tournus (Saône-et-Loire) qui vont s'arrêter car il n'y aura plus de travail pour eux", s'alarme auprès de RMC Jean-Baptiste Perret, coordinateur du syndicat CFE CGC au sein du groupe SEB.
Des polluants utilisés dans l'industrie chimique
SEB indique ne pas utiliser de téflon dans ses revêtements antiadhésifs et affirme que les PFAS utilisés notamment dans la fabrication des célèbres poêles Tefal ne présentent pas de danger pour la santé.
Quasi-indestructibles, les substances per- et polyfluoroalkylées, ou PFAS, massivement utilisées dans l'industrie chimique, s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain, d'où leur surnom de polluants "éternels". Ces molécules sont décrites par certains experts comme "la plus grande menace chimique au XXIe siècle", mais jugées en partie incontournables par l'industrie.
Lors du rachat de la marque Tefal en 1968, le groupe "a décidé de fabriquer son propre revêtement", en utilisant une autre formule qui permet de coller le revêtement sur l'aluminium, et qui ne contient pas de PFOA (acide perfluorooctanoïque), composant utilisé autrefois par la société DuPont et incriminé dans des pollutions, notamment aux Etats-Unis, a indiqué le groupe à l'AFP.
La formule utilisée aujourd'hui par SEB contient du PTFE (polytétrafluoroéthène), un autre PFAS dont le groupe affirme qu'il ne présente pas de danger, et est "totalement inerte et insoluble".
Des arguments jugés "extrêmement fragiles" par le député Nicolas Thierry, auteur du projet de loi, contacté par l'AFP: "Le PFOA est de toute façon interdit depuis 2020, et reconnu depuis par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) comme cancérogène pour les humains", a-t-il rappelé. Il ajoute que les autres PFAS utilisés en lieu et place demeurent extrêmement persistants dans l'environnement, lors de la fabrication et la fin de vie des produits.
"Flagrant délit de manque d'anticipation" de l'entreprise, selon le député
Concernant les éventuelles conséquences sociales pour SEB d'un bannissement des PFAS, le député a estimé que "l'industriel est pris en flagrant délit de manque d'anticipation", compte tenu des poursuites qui ont touché aux Etats-Unis des géants de la chimie, dont certains ont payé de très lourdes sommes pour échapper à des procès.
L'Europe, de son côté, a lancé une étude d'impact pour éventuellement faire interdire les PFAS à partir de 2026. Les conclusions doivent être rendues à l'automne. "L'entrée en vigueur de mesures françaises avant des mesures européennes sera un obstacle à l'activité et à la compétitivité des entreprises concernées", estiment les syndicats.
SEB écoule chaque année un peu plus de 11 millions de poêles par an en France. Le site de Rumilly en produit un peu plus de 35 millions par an.