Augmentation du Smic: "Cela coûterait 20 milliards d’euros par an" alerte l’économiste Gilbert Cette

Faut-il augmenter le Smic? Le Nouveau Front populaire propose de le porter à 1.600 euros et Gérald Darmanin se montre favorable à l’idée, mais certains économistes ne sont pas du tout convaincus. "Ça me paraît impossible", estime Gilbert Cette, professeur d’économie à Neoma et nommé président du Conseil d’orientation des retraites à l’automne 2023.
Selon cet économiste, ancien président du Groupe d'experts sur le Smic, "une forte augmentation du Smic aurait trois conséquences principales". "La première, c’est la destruction d’emplois, qui pourrait être assez forte, de l’ordre de 200.000 emplois perdus si le Smic augmentait comme le voudrait le NFP, explique-t-il. Ce sont 200.000 emplois perdus pour des personnes peu qualifiées, fragiles. Ce n’est pas n’importe quels travailleurs qui perdraient leurs emplois, ce sont ceux tout en bas de la hiérarchie des salaires."
"Prenez un jeune couple qui a des enfants, qui sort une fois par semaine en se payant les services d’un ou d’une baby-sitter, illustre Gilbert Cette. Si ce jeune couple est un peu serré sur le plan financier, il est évident que si on augmente le prix du ou de la baby-sitter, le nombre d’heures diminuera. L’employeur, ce n’est pas forcément une grande entreprise. Ça peut être toute personne qui fait appel à du travail dit peu qualifié et payé aux environs du Smic."
"Smicardisation du monde du travail"
"Le deuxième effet, ça serait une smicardisation croissante du monde du travail, ajoute cet économiste. Il y a déjà, en France, plus de 17% des salariés qui sont payés au Smic. Depuis le début de l’année 2021, il y a eu huit augmentations systématiques du Smic, pour environ 15% d’augmentation au cumulé. Ça aboutit à une smicardisation du monde du travail."
Et "le troisième effet, ce serait une dégradation des comptes publics" prévient Gilbert Cette. "L’augmentation voulue par le Nouveau Front populaire coûterait aux finances publiques environ 20 milliards d’euros par an, dans un pays qui a déjà des finances publiques particulièrement dégradées", pointe-t-il.
Les exemples de l’Espagne et de l’Allemagne ne convainquent pas non plus Gilbert Cette. "On n’est pas dans la même situation que ces pays-là, où le Smic partait d’un niveau beaucoup plus bas, surtout dans le cas espagnol. Il y a eu des fortes augmentations du salaire minimal en Espagne, depuis 2019. Ça a détruit quelques emplois, ça a été bien montré par une étude académique. Mais ces pertes d’emplois ont été réduites par le niveau de départ du salaire minimum. En France, le niveau du salaire minimum est beaucoup plus élevé. Il mord en quelque sorte sur la demande de travail que font les entreprises."