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"La France n'aime pas le travail": l’avis tranché d’Arthur Chevallier

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Une enquête Ipsos contredit une idée reçue: les Français veulent de plus en plus faire carrière. Et pour l’écrivain et éditeur Arthur Chevallier, c’est la France qui les en empêche. C’est son avis tranché dans "Apolline Matin", ce mercredi sur RMC.

D’après une enquête réalisée par Ipsos, les Français sont de plus en plus nombreux à avoir de l’ambition. Ils étaient 30% en 2013 à vouloir atteindre une position de premier plan dans leur carrière, ils sont aujourd’hui 37%. Ça corrige une idée reçue: les Français veulent travailler. Et s’ils ne le font pas assez, c’est parce que la France n’aime ni le travail, ni les travailleurs.

On répète que les gens sont devenus paresseux et qu’ils n’ont plus le sens de l’entreprise. Mais posons-nous les bonnes questions. Pourquoi les Français auraient soudainement arrêté d’avoir envie de travailler? Ce n’est pas une question de génétique, ils ne sont pas nés avec le gène de la paresse. Ce ne sont pas les individus qui ont changé, mais notre société, qui ne sait pas donner aux gens les moyens de réussir. Je dirais même que c’est un problème de civilisation.

La matinale 100% info et auditeurs. Tous les matins, Apolline de Malherbe décrypte l'actualité du jour dans la bonne humeur, avec un journal toutes les demies-heures, Charles Magnien, le relais des auditeurs, Emmanuel Lechypre pour l'économie, et Matthieu Belliard pour ses explications quotidennes. L'humoriste Arnaud Demanche vient compléter la bande avec deux rendez-vous à 7h20 et 8h20.
L'avis tranché d'Arthur Chevallier : "La France n'aime pas le travail" - 25/09
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En quoi ce problème est-il si français?

La France n’a jamais été un grand pays de travail. Et historiquement, ça s’explique assez facilement. La noblesse, qui a eu le pouvoir jusqu’à la Révolution française, ne travaillait pas, elle avait même l’interdiction de travailler. Son rôle, c’était de faire la guerre et rien d’autre.

Alors, elle la faisait de temps en temps, mais à partir du XVIIIe, elle ne faisait clairement plus rien et passait ses journées à jouer à cache-cache dans le château de Versailles. Bien sûr, elle a depuis perdu le pouvoir, mais ce modèle reste dans notre inconscient collectif. La France n’aime pas les laborieux, elle aime les bonnes manières, l’élégance, le style. La paresse fait un peu partie de notre mode de vie, et chez nous, on préfère une feignasse bien éduquée à un travailleur un peu vulgaire.

Depuis, les choses ont quand même changé. Il n’y a plus d’aristocrates, mais nous n’avons toujours pas le goût du résultat. Les entreprises sont à l’image de la France: il y a tellement de règles qu’on passe plus de temps à les respecter qu’à travailler. Et ceux qui ont pris le pouvoir, ce sont les bureaucrates. Les règlements ont remplacé la performance.

On croyait avoir trouvé une solution avec le télétravail. Travailler chez soi pour vivre à la campagne. Ne plus s’ennuyer dans des réunions à rallonge et échapper à tout ce qui n’était pas lié à la performance. L’idée n’était pas idiote. Alors, tout le monde a déménagé. Et, surprise, les entreprises demandent maintenant de revenir au bureau. C’est ce que vient de faire Amazon: à partir de 2025, le télétravail sera interdit. Si même Amazon s’y met, il y a des chances pour que d’autres suivent.

Des gens qui bossent sans avoir les moyens de vivre dignement

Si les gens ne travaillent pas, c’est la faute du monde du travail. On a changé les conditions de travail en espérant que ça ne changerait rien du côté des salariés. Avant, vous passiez votre existence dans une seule entreprise. Donc, vous aviez envie de faire des efforts. C’était le projet d’une vie, ça s’appelait: faire carrière.

Alors, c’était un modèle un peu paternaliste, c’est vrai, mais les sociétés étaient plus généreuses, et la sécurité de l’emploi était plus grande. Même si tout n’était pas parfait. Aujourd’hui, vous pouvez être viré n’importe quand ou presque, donc forcément, vous n’avez pas envie de vous épuiser.

Les salaires n’ont quasiment pas progressé depuis 2019. Ajoutez à ça l’explosion du prix de l’immobilier. Le résultat est là: des gens qui bossent sans avoir les moyens de vivre dignement. Une société où le travail ne paye pas, c’est une société qui n’est pas viable. La survie, c’est l’esclavage, ce n'est pas le salariat.

Arthur Chevallier