Surtaxer les CDD pour inciter à l'embauche: "Cela m'aurait permis d'avancer plus vite dans la vie"

Un entretien d'embauche (illustration) - AFP - Thomas Samson
La taxation des CDD va-t-elle calmer la fronde contre la loi Travail? La ministre Myriam El Khomri a confirmé ce mercredi que la piste d'une augmentation des charges patronales pour les entreprises qui embauchent des contrats courts étaient sur la table des négociations. Une mesure qui doit inciter les patrons à embaucher en CDI. Les syndicats la demandent depuis plusieurs années car ils se désespèrent de voir aujourd'hui plus de 8 contrats sur 10 signés en CDD.
Ce dispositif doit donc profiter aux salariés qui cumulent les CDD sans jamais réussir à obtenir un CDI comme c'est le cas de Benoît, un jeune lyonnais de 19 ans, qui enchaîne les petits contrats dans une enseigne de la grande distribution. "Dernièrement, j'en ai signé un d'une semaine, un de deux semaines, un autre de 25 jours… Au total, j'en suis à 19 CDD sur les 13 derniers mois", désespère-t-il. Une situation qui oblige Benoît à rester vivre chez sa mère et à reporter certains projets.
"Je viens de perdre un an"
"Il y avait une place à prendre suite au départ d'une personne. Je suis arrivé mais il n'y a jamais eu de CDI alors que moi j'attendais ce contrat pour pouvoir m'installer avec ma copine, explique-t-il. Je devais aussi changer de voiture pour pouvoir me rendre au travail. Pour cela, je devais faire un petit crédit mais je n'ai pas pu car les banques refusent les crédits sans CDI." Et d'estimer, dépité: "En gros, je viens de perdre une année".
Et l'exemple de Benoit n'est pas isolé car l'embauche est désormais pensée à durée déterminée selon Bruno Bouvier, secrétaire général de la CGT Rhône-Alpes. "C'est devenu le principe, c'est-à-dire que, pour les jeunes notamment, c'est désormais la règle: 85 ou 90% des contrats de travail sont sous une forme précaire, souvent renouvelés plusieurs fois et parfois même en dehors du cadre légal", analyse-t-il.
"C'est un repoussoir"
"Pour autant, c'est compliqué de contester sa situation quand on est en situation de précarité, rappelle-t-il. Par conséquent, c'est devenu une façon de gérer l'emploi et les entreprises. C'est un vrai problème". Cependant, faut-il taxer encore un peu plus les CDD pour obtenir un CDI comme l'envisage le gouvernement? François Turcas, responsable de la CGPME en Rhône-Alpes, s'y oppose fermement: "Je soutiens la loi El Khomri mais on ne peut pas à la fois soutenir des avancées sur les prud'hommes et de l'autre nous dire que l'on va taxer les CDD. C'est la négation totale de l'emploi, il n'y aura plus ni CDD, ni CDI".
Et d'ajouter, en colère: "A force d'accumuler toutes ces taxes, tous les avantages qu'ils nous donnent d'un côté en nous disant d'embaucher des jeunes, ils les tuent par ces contre-propositions imbéciles ! C'est un repoussoir !" De son côté, Benoît y est plutôt favorable. Il pense même que cela aurait pu lui permettre de signer un contrat plus stable: "Dans mon cas, cela aurait été parfait parce que cela aurait été un moyen de pression pour le patron. J'aurais pu aller le voir et lui démontrer que cela lui coûtait moins cher en taxes de m'embaucher en CDI plutôt que d'enchaîner 19 CDD. Cela m'aurait permis d'avancer plus vite dans la vie". En attendant, le jeune homme vient de signer son vingtième CDD, un contrat qui se termine le 2 avril prochain.